Puisserguier / Capestang (France) : Les plafonds polissons du Moyen Âge

Charline Zeitoun / CNRS

Source - http://www.cnrs.fr/fr/pdf/jdc/JDC269.pdf

Nombreux en Languedoc-Roussillon, les plafonds peints de grandes demeures médiévales sont tirés de l’oubli, voire sauvés de la destruction, grâce à une poignée d’historiens. Zoom sur ces peintures, parfois étonnamment coquines, qui constituent une source inattendue d’informations sur la vie au Moyen Âge.

Des peintures inédites du xve siècle, sauvées in extremis de la décharge, sont sur le point de révéler leurs secrets. Ces saynètes ont été peintes au plafond d’une maison située à Puisserguier, près de Béziers. « Elles étaient jusqu’à l’an dernier dissimulées par un faux plafond », explique Pierre-Olivier Dittmar du Centre de recherches historiques1, impatient de les étudier.

plafonds1.png

01 Noircie par la suie, cette planche est ornée d’une saynète peinte au Moyen Âge. C’est l’un des closoirs découverts, l’an dernier, au plafond d’une maison à Puisserguier.

La maison devait être détruite quand le maire de la ville a donné l’alerte. Derrière les lattes récentes, il devine en effet un plafond à la française, avec poutres et solives, propre à abriter des closoirs (Petits panneaux peints, placés entre les solives des charpentes) du Moyen Âge, dont il a vu de splendides exemples dans la ville voisine de Capestang. Bingo ! Le maire a vu juste. Les travaux de démolition sont stoppés, et le plafond peint, préservé.

plafonds-2.png

02 Dans ce château restauré, à Capestang, on distingue bien les closoirs, logés entre les solives, juste au-dessus des massives poutres aux frises bariolées.

plafonds.png

En Languedoc-Roussillon, ces dernières années, de nombreuses peintures médiévales ont été retrouvées sous des faux plafonds ou des badigeonnages de peinture blanche appliqués au XVIIIe ou au xixe siècle. Comme ces dernières, la découverte de Puisserguier doit beaucoup à la renommée toute récente de Capestang. « Il y a dix ans encore, le plafond peint de son château n’était connu que d’un petit nombre d’érudits et de la municipalité, qui peinaient à intéresser la communauté scientifique, explique Pierre-Olivier Dittmar. Jusqu’à ce que Monique Bourin, du Laboratoire de médiévistique occidentale de Paris2 , organise un colloque où elle m’a invité à commenter ces images. » En 2008, elle impulse aussi la création de la RCPPM (association internationale de recherche sur les charpentes et plafonds peints médiévaux), qui donne une nouvelle dynamique à ce champ de recherche et contribue au sauvetage de nombreux plafonds peints.

Comment expliquer que ces oeuvres aient été victimes d’un tel dédain jusqu’à une date si récente ?

« Ces peintures étaient considérées comme l’expression d’un art populaire jugé peu digne de considération», explique Pierre-Olivier Dittmar, devenu spécialiste du sujet. De fait, à Capestang, en plus de scènes d’amour courtois et de symboles évoquant la richesse, on trouve notamment un fou à grelot exhibant son anus, une caricature de moine, et autres figures grimaçantes. Plutôt singulier quand on sait que le propriétaire de l’époque n’était autre que l’archevêque de Narbonne…

plafonds-7.png

07 Plusieurs scènes d’amour courtois, comme celle-ci, ornent les boiseries du château de Capestang.

plafonds-3-et-4.png

03 et 04 Sur les closoirs de Capestang, on trouve des images grivoises. Ces deux panneaux, voisins sur le plafond, se répondent : un fou à grelot libère un vent que le trompettiste contrecarre en lui soufflant dans les fesses.

plafonds-8.png

08 Caricature de moine à grosses lèvres et à grandes oreilles, à Capestang.

PART.2