L’australopithèque Little Foot a 3 670 000 ans

INRAP

Source - http://www.inrap.fr/archeologie-preventive/Actualites/Communiques-de-presse/p-19440-L-australopitheque-Little-Foot-a-3-670-000-ans.htm

Des chercheurs d’institutions américaines, canadiennes, sud-africaines, et françaises publient cette semaine dans la revue Nature la datation de Little Foot. Découvert au nord-ouest de Johannesburg, au cœur du berceau de l’Humanité, dans la grotte de Silberberg (Sterkfontein), ce squelette presque complet d’un australopithèque est exceptionnel. Treize années ont été nécessaires à l’équipe de Ron Clarke (université de Witwatersrand, Afrique du Sud) pour dégager Little Foot (ou StW 573) de sa gangue rocheuse, des millions d’années après sa mort.

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© Ronald Clarke

Dater Little Foot

Depuis sa découverte en 1997, les chercheurs discutent de l’âge exact de ce fameux fossile. Rapidement, Ron Clarke et Tim Partridge (université du Witwatersrand, Afrique du Sud) attribuent un âge de 3,3 millions d’années à Little Foot – à partir de la morphologie de l’hominidé et d’une première datation paléo-magnétique des coulées stalagmitiques. Ces datations furent rapidement remises en cause. En 2003, Darryl Granger (université Purdue, USA) et son équipe suggèrent une datation des sédiments enserrant le fossile d’environ 4 millions d’années, grâce à l’analyse des nucléides cosmogéniques (cosmonucléides). Ultérieurement, une datation uranium/plomb des coulées stalagmitiques de calcite livre un âge bien plus récent  – 2,2 millions d’années –, remettant ainsi en question l’ensemble des datations précédentes. Dès 2002, Ron Clarke envisage que les coulées stalagmitiques pourraient être bien plus récentes que le squelette. En 2014, un chercheur de l’Inrap, Laurent Bruxelles (laboratoire Traces, umr cnrs-université Toulouse-Jean Jaurès)  et l’équipe sud-africaine démontrent que les coulées stalagmitiques de 2,2 millions d’années se sont formées dans des vides sous le fossile et sont plus récentes que celui-ci. 

Aujourd’hui, les chercheurs révèlent l’âge de Little Foot : 3,67 millions d’années (± 0,16 millions d’années).

Datation et nouvelles avancées méthodologiques

Ce résultat est le fruit de la collaboration de Ryan Gibbon (université du Nouveau Brunswick, Canada) et Darryl Granger. Deux avancées méthodologiques majeures ont rendu possible cette datation. Tout d’abord, le développement de la méthode isochrone (pour les datations par les isotopes radioactifs 26Al et 10Be). Elle utilise plusieurs échantillons provenant d’un même site, afin de vérifier les conditions requises en vue d’une datation cosmogénique. Autre innovation d’envergure : la mise au point d’un « gas filled magnet » (ou secteur magnétique gazeux), par Marc Caffee au laboratoire prime de l’université Purdue, où sont réalisées les mesures des cosmonucléides à l’aide de la technique de la spectrométrie de masse par accélérateur. En effet, les aimants à gaz permettent une mesure fine de 26Al et donc des datations plus précises. Les échantillons de Sterkfontein ont été parmi les premiers à être analysés par ce nouvel équipement, opérationnel à partir du second semestre 2014. Les résultats s’avèrent étonnants. Sur les onze échantillons récoltés au cours de la dernière décennie, neuf se trouvent sur une unique courbe isochrone, apportant ainsi une datation solide au dépôt.

Little Foot, histoire d’une découverte

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Les grottes de Sterkfontein (Afrique du Sud), dans la province du Gauteng, font partie d’une zone inscrite par l’Unesco au patrimoine mondial depuis 1999 sous le nom de « Berceau de l’Humanité ». © Laurent Bruxelles, Inrap

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En profondeur, la dissolution des roches dolomitiques a permis le développement de plusieurs dizaines de kilomètres de galeries. Parfois, lorsque la voûte est trop mince, elle s’effondre et un gouffre se forme en surface. C’est par ce type d’entrée, plus ou moins large, que la plupart des sédiments de surface et des ossements ont été entraînés en profondeur. Grotte de Silberberg à Steerkfontein (Afrique du Sud). © Laurent Bruxelles, Inrap

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La partie touristique des grottes de Sterkfontein (Afrique du Sud) traverse des galeries aux formes étranges. De grands pendants de roche descendent de la voûte sur plusieurs dizaines de mètres. Ces morphologies permettent de savoir que cette grotte s’est formée en profondeur,  par une lente dissolution des dolomies qui baignaient alors dans la nappe phréatique.© Laurent Bruxelles, Inrap

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Cette partie du vaste réseau de galeries de Sterkfontein (Afrique du Sud) a été entièrement évidée par les mineurs. Aujourd’hui encore, afin d’étudier Little Foot, on emprunte leur escalier de bois. Lors de la chute de l’australopithèque, cette cavité n’était pas encore colmatée par les sédiments et une ouverture existait au sommet de la galerie, quelques mètres au-dessus des escaliers. © Laurent Bruxelles, Inrap

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Afin de connaître l’âge du fossile, il importe tout d’abord de bien comprendre la stratigraphie du site, c'est-à-dire la relation entre les couches de sédiments et le squelette de Little Foot. On distingue ici les niveaux de brèches (de couleur foncée) et les  concrétions de calcite blanche lentement déposées  par les eaux d’infiltration. © Laurent Bruxelles, Inrap

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