Verquin (France): Les vestiges d’un édifice «monumental» découverts

Anna Morello

Source - http://www.lavoixdunord.fr/region/les-vestiges-d-un-edifice-monumental-decouverts-a-ia30b53972n1404507 

Imaginez un gamin qui ouvre un Kinder Surprise, et qui s’attend à trouver un jouet comme il en a déjà plein ses tiroirs. Et puis là, stupeur, c’est un super jouet, un truc jamais vu, avec des tas de fonctions à tester… Ce gamin, c’est un peu Virginie Bak, responsable de la fouille pour l’Inrap qui, mardi après-midi, assurait la visite du chantier de fouilles préventives dans le sous-sol de la future ZAC du Beaupré à Verquin. Parce que là où ils ne s’y attendaient pas, les archéologues ont trouvé un bâtiment «monumental!»

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Les fondations parfaitement nettes du bâtiment colossal découvert par les chercheurs.

Ou plus exactement, les vestiges d’un édifice qui devait être monumental il y a… très longtemps. « A priori, on est au Bas-Empire, au 4e siècle de notre ère. Faut imaginer un truc vraiment énorme vu la taille des blocs de grès… » Laurent Sauvage, adjoint scientifique et technique pour l’Inrap Nord – Pas-de-Calais, précise : « On pense que ça relevait plutôt du domaine public ou religieux, d’autant que ça devait être en bordure de chemin… En tout cas, ça n’était pas quelque chose de privé, c’est trop énorme. »

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Chaque chantier réserve ses surprises, pour celui de Verquin, c’est celle-ci, et elle est « très bonne ! ». Mais pour l’instant : « On ne sait pas ce que c’est… Il va falloir décortiquer, continuer à fouiller pour voir s’il n’y a pas une phase antérieure en dessous… » Car ce qui interpelle les chercheurs, c’est la technique de construction : « En fait, on voit très bien les fondations d’un premier bâtiment gallo-romain. Et puis ce bâtiment a dû être détruit, et ils ont réutilisé les fondations pour construire un autre édifice, avec des blocs de grès colossaux… Et ça, c’est quelque chose qu’on ne connaît pas… » Le mystère reste entier.

Jusqu’en août pour trouver

Les archéologues se donnent jusqu’en août pour l’éclaircir. « On va fouiller, si on ne trouve rien, on s’arrête là… Si on trouve quelque chose, on continuera… » Commencées fin mai, ces fouilles font suite au diagnostic réalisé en juillet 2012 qui avait révélé la présence de vestiges gallo-romains (du 1er au 5e siècle). « C’est une fourchette très large, c’est ce qui est très intéressant. Donc, quand on est arrivé, on a dressé un plan des vestiges qu’on a vus, on a détecté 70 structures archéologiques très diverses. » Des vestiges répartis sur trois zones.

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Une tombe-bûcher que les chercheurs fouillent avec minutie, par carrés de 20 centimètres.

Dans la première, un secteur funéraire, les chercheurs ont trouvé une dizaine de bûchers : «Ça, c’est quelque chose d’assez courant dans la région… » Mais quand même, là encore, une surprise : « D’habitude, on constate qu’un cadavre a été brûlé et les restes ramassés et inhumés. Ici, il y a une particularité, c’est que le bûcher sert aussi de tombe, il est posé dans un genre de fosse, et l’effondrement du bûcher fait tomber les restes dans la fosse… » Dont on suppose qu’elle est ensuite recouverte de terre. « Ce type de structure nécessite un protocole de fouilles assez fastidieux, par carrés de 20 cm, on passe tout au tamis, on retrouve des bouts de vase, des esquilles d’os humain, des offrandes… »

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Une autre de ces tombes-bûchers.

Quel type de bois était utilisé pour la crémation ? Comment le cadavre était-il disposé ? Quelles offrandes accompagnaient ces « funérailles » ? Autant d’infos que les archéologues déduiront petit à petit de leurs trouvailles.

« Là, il faut imaginer »

La seconde zone est « plus ordinaire », et la troisième est celle du mystérieux édifice. Trois espaces aux fonctions bien distinctes que l’œil aguerri des chercheurs a rapidement mis au jour. Là où le non-initié ne voit que des nuances dans la terre, eux devinent « le passage de la main de l’homme, pour quoi que ce soit, ça laisse toujours des traces, des anomalies visuelles. Un simple changement de couleur de la terre et on sait qu’il y a eu quelque chose là, ne serait-ce qu’un trou. ».

Sur le champ de fouilles, complètement décaissé, des dizaines de mètres de lignes tracées dans le sol annoncent où se dirigeront les recherches dans les semaines à venir. Des étiquettes aussi, numérotées. « Parce qu’une fois qu’une anomalie est détectée, elle est repérée sur une carte. » Et Laurent Sauvage d’emmener les visiteurs à la découverte d’un vallon imaginaire. « Là, il faut imaginer. Il y avait un vallon qui s’ouvrait vers ce qui est aujourd’hui l’autoroute. Il s’est colmaté à la fin de l’époque romaine. La topographie actuelle n’a pas grand-chose à voir avec le paysage de l’époque. Ce vallon était bien marqué dans le paysage, et sur le pied du versant, les hommes avaient bâti des contreforts pour aménager le terrain. À la tête de ce vallon, on trouvait cet édifice, vraiment puissamment construit… »

Bon, il faut quand même pas mal d’imagination… Mais petit à petit, un nouvel horizon apparaît. Il y a ce vallon, verdoyant sans doute, et ce bâtiment tout proche, un temple peut-être. Il y a une route « carrossable », bordée de deux fossés. Sur la droite, le cimetière… Découverte après découverte, l’image se précise. Elle nous emmène loin de l’autoroute et du bruit des voitures. Dans les prochaines semaines, elle pourrait beaucoup changer : « Là, on va faire venir un gros engin à demeure, pour déblayer… On verra bien. » À suivre donc.