Verdun (France): Les chaudronniers, un commerce intensif durant le Moyen Âge et la Renaissance

INRAP

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Conditionnement d'un prélèvement effectué à côté d'un four de chaudronniers. © Estelle Bénistant, Inrap

Une équipe d’archéologues de l’Inrap mène actuellement une fouille à Verdun, impasse du Couguay, sur prescription de l’État (Drac Lorraine), en amont de la construction de sept logements sociaux par l’Office public de l’habitat de la Meuse. Sur une emprise de 500 m2, les chercheurs étudient un quartier médiéval spécialisé dans la production de vaisselle en cuivre, bronze et laiton. Cette activité artisanale fut particulièrement intense durant le Moyen Âge et la Renaissance, la vaisselle en laiton devenant alors à la mode. Les ateliers de chaudronniers mis au jour permettent de mieux connaître cet artisanat qui relève de l’industrie naissante et dont très peu d’exemples sont aujourd’hui connus en France. Cet ensemble  témoigne d’une intense production à Verdun entre le XIVe et XVIesiècle. 

Des ateliers de production complets

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Vestige d'un four de chaudronnier avec le fond arrondi du foyer.  © Nicolas Thomas, Inrap

Trois à quatre ateliers de métallurgistes travaillant les alliages à base de cuivre ont été identifiés sur le site. Ces ateliers mitoyens sont implantés sur des parcelles allongées entre une rue médiévale et un petit cours d’eau, le canal des Récollets.

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Vue sur les ateliers de chaudronniers.  © Estelle Bénistant, Inrap

Les archéologues ont retrouvé quatre fours. Ils sont composés d’un foyer de fusion de forme circulaire pouvant contenir plusieurs creusets, récipients destinés à contenir le métal, et d’une partie basse ouverte qui permet la circulation de l’air dans le cylindre et la récupération des cendres. Une aire d’accès au foyer est également présente. 
De très nombreux déchets liés à la production sont retrouvés sur le site : des creusets, des fragments de moules de fonderie en terre cuite, des résidus de métal (bronze et laiton avec plus ou moins de plomb)… Ces rebus sont précieux car ils permettent de restituer les techniques employées et les gestes de ces chaudronniers. 

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© Estelle Bénistant, Inrap

Une vaisselle à la mode

L’étude des fragments de moules montre que ces ateliers produisaient essentiellement de la vaisselle de cuisine et principalement des chaudrons coulés. 
Si le mode de production est la fonte du métal qui est par la suite coulé dans un moule, d’abondantes chutes de métal témoignent également d’un travail des pièces au marteau, peut-être pour de la vaisselle plus luxueuse en laiton, un alliage particulièrement apprécié et dont la demande s’intensifie aux XIVe-XVe siècles car il imite l’or. À ces époques, un commerce de vaisselles de différentes gammes se développe : le laiton, résultant du mélange cuivre et zinc, pour la vaisselle haut de gamme ;  un laiton de moins bonne qualité, mélangeant du cuivre, une faible quantité de zinc et du plomb, pour réaliser de la vaisselle de moyenne gamme. Les plats de cuisine sont de la vaisselle bas de gamme, en cuivre ou bronze, avec beaucoup de plomb et sans zinc. 

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Vue sur les sols en cours de fouille des ateliers de chaudronniers. © Estelle Bénistant, Inrap

Les chaudronniers de Verdun, acteurs du commerce international du XIVe au XVIe siècle

Ce quartier spécialisé témoigne d’une très forte concentration de chaudronniers à Verdun. Dans le développement de ce commerce, la Meuse joue un rôle majeur pour l’approvisionnement en matières premières, en minerai de zinc notamment. En effet, deux cent kilomètres au nord, la Belgique est riche en mines de zinc, minerai indispensable pour produire le laiton. Les villes belges de Dinant et Bouvignes sont notamment très connues pour la qualité de leurs produits manufacturés réalisés en cuivre ou ses alliages. L’engouement autour de cette vaisselle a contribué au développement d’une véritable industrie et d’un vaste commerce international. La réputation des produits dinantais était telle au Moyen Âge, que les chaudronniers étaient appelés dinandiers, terme encore en usage aujourd’hui pour désigner les hommes travaillant le cuivre et ses alliages au marteau. La fouille en cours révèle que les Verdunois étaient également acteurs dans ce commerce international, certainement dès le XIVe siècle, voire le XIIIe siècle. L’étude archéologique va permettre de renouveler les connaissances sur cette industrie naissante et de réévaluer le rôle des dinantais. Les modes opératoires et les conditions de travail des générations d’hommes qui se sont succédé dans ces ateliers vont aussi pouvoir être précisés.