Toulouse (France): les fouilles du cimetière Saint-Michel

Cimetière St Michel : une tranche de vie toulousaise

Source - http://www.ladepeche.fr/article/2012/05/14/1352931-cimetiere-st-michel-une-tranche-de-vie-toulousaine.html

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Didier Paya a dirigé les fouilles du cimetière Saint-Michel entre avril et octobre 2011./Photo DDM F.C

Du Ve siècle à la Révolution à l'emplacement de la place Lafourcade et de la gendarmerie s'étalait un vaste cimetière qui vient de finir de révéler ses secrets aux archéologues

Des hommes, plutôt petits et râblés, mais qui avaient certainement mal au dos si on en croit le piètre état de leur colonne vertébrale, furent, au Ve siècle, les premiers Toulousains enterrés au pied de la muraille protectrice qui s'ouvrait sur la voie narbonnaise. Mais étaient-ils vraiment toulousains ? Pour Didier Paya archéologue à l'Inrap (Institut national de recherche en archéologie préventive), pas tout à fait. « Avec les premières sépultures, nous avons affaire à un cimetière d'étrangers essentiellement travailleurs manuels, que l'on enterrait à l'extérieur de la ville. » Les six mois de fouilles réalisées avant l'arrivée des tunneliers de la ligne « B » du métro en octobre 2011, révèlent une intégration progressive du cimetière à la ville, à mesure que la cité enjambe ses remparts. « Cette zone va progressivement se transformer en faubourg. D'abord le faubourg du château Narbonnais jusqu'au milieu du XIVe siècle, puis le faubourg St Michel lorsqu'a été construite l'église Saint Michel en plein cœur du cimetière. Au XVe siècle, le quartier devient même un peu huppé. » Cette histoire du peuplement du faubourg Saint Michel, archéologues de l'Inrap, anthropologues et historiens, l'on découverte au fil des quelque 900 tombes qu'ils ont fouillées sur l'emplacement de l'actuelle place Lafourcade et du palais de justice. Aux jeunes travailleurs de forces enterrés jusqu'au XII e siècle, succèdent les tombes regroupées par familles des premiers habitants du faubourg. À partir du milieu du XIV e siècle et jusqu'au milieu du XVI e, la présence des familles se confirme, mais les morts vieillissent : les habitants sont en meilleure santé, et vivent plus longtemps, le faubourg s'embourgeoise.

Outre l'histoire économique, les fouilles révèlent aussi l'évolution des mentalités et des croyances : « Jusqu'au XIIIe siècle nous ne rencontrons que des sépultures individuelles. Ensuite, les gens commencent à empiler les morts, en utilisant l'emplacement familial pour plusieurs défunts. C'est qu'à partir du XIIIe siècle les croyances évoluent. On pense désormais que l'âme n'est plus attachée au corps du défunt jusqu'au jugement dernier, mais quelle finit par le quitter. Plus rien ne s'oppose donc à ce que les sépultures soient détruites ou remodelées. »

Pour les anthropologues qui se sont penchés sur la morphologie des squelettes, le cimetière révèle aussi que Toulouse a su s'ouvrir aux étrangers, surtout s'ils étaient grands et forts comme ceux qui apparaissent dans les tombes du XIVe siècles et qui a priori seraient venus d'Espagne. Des formes de crânes différentes ont également révélé d'autres origines chamarrées mais pas toujours identifiées.

Le petit millier de tombes étudiées, ne représente toutefois qu'un dixième des sépultures creusées depuis la période Gallo romaine jusqu'à la Terreur entre la rue des 36 ponts et l'actuelle route de Narbonne. Quant aux squelettes qui ont déjà tant parlé, aux scientifiques, ils reposent désormais dûment étiquetés dans le dépôt d'État de la rue François de Virieux en attendant que de nouveaux outils de recherche permettent d'en tirer d'autres révélations.