Strasbourg (France): Des légionnaires romains aux bâtisseurs de la cathédrale : la fouille de la place du Château

PART. 2

Découverte des vestiges du chantier de la cathédrale

La cathédrale primitive, dont la localisation est incertaine, apparaît dans les textes en 728. En 982, Strasbourg devient une seigneurie épiscopale urbaine dont l’administration relève uniquement de l’évêché. En 1015, l’évêque Werner de Habsbourg entreprend la construction d’une nouvelle cathédrale de style ottonien,. Elle brûle en 1176. De 1180 à 1439, l’actuelle cathédrale est érigée, d’abord dans le style roman, puis dans le style gothique à partir de 1255.
Avec ses 3 mètres de stratigraphie, la fouille de la place du Château révèle l’histoire des constructeurs de la cathédrale. 
Juste au sud de celle-ci, les archéologues dégagent les niveaux de circulation foulés par les bâtisseurs. Ces niveaux sont constitués des éclats de grès étalés par les tailleurs de pierre devant leur lieu de travail (les loges). Damés par un passage incessant, ils s’y sont accumulés entre le XIIe et le XVe siècle sur une épaisseur de 1 m à 1,50 m. Ces déchets nous renseignent sur les techniques de taille et portent encore les traces d’outils : pics, laies ou polkas. D’autres métiers sont aussi attestés : des scories témoignent de l’activité de forge, des couches de mortier du travail des gâcheurs, et des fragments de plomb et de vitraux de celui des maître-verriers. La fonction d’un four, à unique chambre de chauffe et daté du XIIesiècle, reste à déterminer.

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Fragment de vitrail médiéval mis au jour dans les couches du chantier de construction de la cathédrale de Strasbourg (Bas-Rhin), 2012. L'activité de maître-verriers sur le chantier est également attestée par la présence de fragments de plomb. © Denis Gliksman, Inrap

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Deux dés à jouer médiévaux mis au jour dans les couches du chantier de construction de la cathédrale de Strasbourg (Bas-Rhin), 2012. Le jeu de dés constitue un moment de pause dans les journées de travail des bâtisseurs. © Denis Gliksman, Inrap

La « Maison Schoettel »

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Élément sculpté découvert dans les couches de remblai de la "Maison Schoettel", place du Château, Strasbourg (Bas-Rhin), 2012. À l'origine un îlot de maisons doté d'écuries construit au XVIIIe s., la "Maison Schoettel" abrite des locataires au XIXe s., tirant son nom de l'un d'entre eux. Ces bâtiments sont arasés en 1855 pour agrandir la "place du Palais". © Denis Gliksman, Inrap

Un bâtiment du XVIIIe siècle a été partiellement mis au jour devant l’Œuvre Notre-Dame. Il est édifié sur des fondations médiévales. Les archives relatent sa construction en 1724 à l’emplacement d’un îlot de maisons comprenant notamment les écuries de l’Œuvre. Le pavage aujourd’hui mis au jour mais aussi l’étude du plan-relief de 1727, d’une aquarelle et d’un plan de 1854, révèlent que ces écuries ont perduré en partie, tandis que les étages auraient été loués à des particuliers. Nommée d’après l’un de ces locataires « maison Schoettel » au XIXe siècle, elle est arasée en 1855 pour agrandir la « place du Palais ». 

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Bouteille incomplète en grès produite dans le Westerwald (Rhénanie-Palatinat) au XVIIIe ou XIXe s. mise au jour place du Château à Strasbourg (Bas-Rhin), 2012. Elle porte un cachet composé d'un cercle bleu dans lequel sont inscrites les lettres "SELTERS", le dessin d'une couronne ainsi que les lettres "HN", H(erzogthum) N(assau).© Denis Gliksman, Inrap

L’ouverture d’un dernier secteur de fouille, devant le lycée Fustel de Coulanges, et la poursuite des recherches livreront d’autres informations sur les deux millénaires enfouis sous l’actuelle place du Château, au pied de la cathédrale de Strasbourg. 

La rénovation de la place du Château

La place du Château est un site emblématique de Strasbourg et de son histoire. Bordant le côté sud de la cathédrale, elle est entourée de bâtiments de qualité, édifiés au fil des siècles. À l’époque du « tout automobile », elle est transformée en parking. En 2010, la place est restituée aux piétons et un premier projet est élaboré. Il vise à faire de l’espace un lieu d’agrément, à révéler les monuments qui en constituent le cadre – et en premier lieu la Cathédrale –, à offrir des perspectives d’ensemble et à valoriser les cinq musées de la place.