St Sauvant (France) : Découverte d'un méreau de l'Eglise Réformée

 

Nouvel exemple de pollution archéologique : le méreau de Saint-Sauvant

Source : http://archeomellois.canalblog.com/archives/2010/06/02/18097812.html 

 

Une trouvaille fortuite

  Le 23 mai 2010, au cours d'une promenade aux alentours de Beaussais, en traversant le Lambon sous Vilfas, Anne-Cécile Dragon a trouvé un curieux objet ressemblant à une monnaie ancienne.

 

  Un disque assez épais, de diamètre environ 3 cm, avec des reliefs bien marqués, dans un métal lourd de couleur argentée, qui a été manifestement coulé et non frappé.

Une rapide enquête

  Confié à nos soins pour expertise, il a été rapidement identifié par Anne Brun comme un méreau de l'église réformée de Saint-Sauvant (86).  Un dessin de ce méreau a été publié en 1891 par H. GELIN dans son étude « Le méreau dans les églises réformées de France et plus particulièrement dans celles du Poitou » (Mémoires de la Société de Statistique des Deux-Sèvres, tome VIII, pages 110-240)

  Ce type, non daté, a dû être en service approximativement entre 1750 et 1780. Il existe en effet un autre type de Saint-Sauvant, plus complexe et plus soigné, qui a dû lui succéder.

 

Le dessin de la coupe et des deux petits pains, très utilisé en Poitou, symbolise la Cène. Sur l'autre face, il semble qu'il y ait un oeil évoquant l'histoire d'Abel et de Caïn.

Les lettres peuvent être interprétées comme suit, par comparaison avec les méreaux d'autres églises :

A.P. = Assemblée Paroissiale ou Protestante ?

S.T.S.V. = SainT-SauVant

  Saint-Sauvant a été l'une des quatorze églises du Poitou rétablies lors de la réorganisation clandestine du culte réformé vers 1740. La paroisse comprenait sept quartiers, dont Vançais, Rom et Chenay. Elle s'étendait donc sur plusieurs de nos cantons de la Vienne et des Deux-Sèvres. Parmi les églises voisines : Melle, Chey, Pamproux, La Mothe, Lusignan.

Qu'est-ce qu'un méreau ?

Le mot et l'objet étant tombés en désuétude, quelques explications s'imposent, assorties d'extraits de l'étude d'H. Gelin..

Un méreau est un jeton de métal. On en a fabriqué depuis le moyen-âge pour toutes sortes d'usages. L'origine du mot est inconnue.

Dans le domaine religieux, le méreau servait à contrôler l'affiliation des fidèles, mais aussi à percevoir les taxes religieuses et à maintenir la discipline religieuse (pas de méreau = pas d'accès à la messe ou à la cène). Au sein des églises protestantes clandestines il était distribué aux familles par les anciens, et récupéré au moment de "l'assemblée du désert".

Contrairement à une idée reçue, le méreau n'est pas lié à la période de clandestinité qui a suivi la révocation de l'édit de Nantes. Il servait au moyen-âge dans l'église catholique, et son usage a été recommandé par Calvin lui-même au XVIème siècle.

Mais, pour les protestants longtemps persécutés, il est devenu un des symboles de la résistance et des "assemblées du désert"

Après la révolution, leur culte étant redevenu légal, les protestants ont reconstruit des temples et multiplié pasteurs et paroisses, mais ils n'ont pas abandonné immédiatement les "assemblées du désert" et l'usage du méreau.

Les méreaux protestants étaient faits d'un alliage de plomb et d'étain coulé dans un moule en pierre gravée.

Une imitation

   Contactée pour notre enquête, Delphine Palluault nous a avertis que la "maison du protestantisme poitevin" (Beaussais-La Couarde), produisait des imitations de plusieurs types de méreaux, en plomb, à l'aide de moules refaits, dont celui de Saint-Sauvant. Il lui arrivait d'en distribuer aux enfants, et de les emmener en promenade au bord du Lambon ...

  La "maison du protestantisme poitevin" n'a pas songé, jusqu'à présent, à marquer ses nouveaux moules d'un signe qui permettrait d'identifier les imitations.

  Pour le méreau de Saint-Sauvant, on peut observer qu'il manque un point entre le S et le V, et que l'oeil a été remplacé par quelques traits informes.