Samarobriva /Amiens: Un site gallo-romain aux portes de la ville

INRAP

Source - http://www.inrap.fr/archeologie-preventive/Actualites/Communiques-de-presse/Les-derniers-communiques/Communiques-regionaux/p-14882-Un-site-gallo-romain-aux-portes-de-l-antique-Samarobriva.htm

Préalablement à l’aménagement de la ZAC de Renancourt par Amiens Aménagement, une équipe d’archéologues de l’Inrap mène entre mars et août 2012 une fouille prescrite par l’État (Drac Picardie). En 1997, des prospections pédestres avaient permis une première estimation du potentiel archéologique du secteur. Ces informations ont été complétées par une fouille réalisée la même année, en amont de la construction de la pénétrante ouest d’Amiens (actuelle avenue de Grâce) reliant l’autoroute A16 aux faubourgs de la ville. L’intervention archéologique menée en 2012 devra permettre de caractériser l’occupation gallo-romaine du site de manière extensive et de retracer le mode de vie d’une riche famille de propriétaires terriens implantée en marge de la ville de Samarobriva (Amiens). Ce site offre aussi la possibilité d’observer les mutations d’un domaine rural au tournant de la Conquête. 

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Vue générale du site © j.refuveille@balloide-photo.com

Une occupation d’un peu plus d’un siècle

La chronologie du site s’étend du dernier quart du Ier siècle avant notre ère à la fin du Ier-début du IIe siècle de notre ère. La superficie de l’établissement atteignait à l’origine au moins 10 hectares, mais des carrières de limon du XIXe siècle ont détruit la partie sud du site. L’espace conservé inscrit dans l’emprise du projet, encore conséquent, se réduit à environ 3 hectares. Le décapage archéologique réalisé en 2012 se développe sur environ 1,7 hectares. 

Une première occupation au Ier siècle avant notre ère

Un large fossé au tracé irrégulier marque la première occupation des lieux. La profondeur atteint localement 2,40 mètres de profondeur. Plusieurs édifices érigés en bois et en torchis lui sont associés. Les indices collectés en surface ou dans les tests pratiqués indiquent un abandon durant la Guerre des Gaules (dernier quart du Ier siècle avant notre ère, La Tène D2b) ou au début du règne d’Auguste. Si la nature du site reste encore assez énigmatique, les installations se distinguent par la présence d’armes et de céramiques tardo-républicaines. Des sépultures à incinération ont aussi été découvertes. Elles recelaient un mobilier parfois original comme par exemple un chaudron en fer et bronze encore accroché à sa crémaillère. 

Une structuration de l’espace

Un grand enclos rectangulaire long d’au moins 150 mètres et large de 100 mètres est mis en place durant la période augustéenne (au tournant du Ier siècle avant et du Ier siècle de notre ère). Ce grand établissement précoce va perdurer jusqu’aux règnes de Tibère/Claude (début du Ier siècle de notre ère). Un double fossé, doté d’une ouverture dans l’axe médian agrémenté d’un porche monumental, sépare l’espace interne en deux zones inégales selon l’interprétation faite en 1997. Plusieurs constructions se distribuent le long des fossés, matérialisant les limites du domaine. Une vaste cave partiellement maçonnée est aussi intégrée à ce complexe. 

La construction de bâtiments en pierre

Vers le milieu du Ier siècle de notre ère, le site est reconfiguré. Des bâtiments sur fondations sont construits ; deux édifices ont été reconnus lors de la fouille. 

En associant le plan réalisé lors de la fouille de 1997 avec celui réalisé en 2012, il apparaît que le premier édifice est très vaste : il atteint une longueur d’environ 70 mètres pour une largeur de 15 mètres. Des thermes privés reconnus lors de l’intervention de 1997 constituent la limite nord-est du bâtiment auquel viennent d’ajouter vingt salles de différentes dimensions. Il s’agit d’un bâtiment d’habitation d’un niveau architectural remarquable : la puissance des fondations permet d’envisager la présence d’un étage, ce qui porterait la surface totale à plus de 2 000 mètres carrés, ce qui est considérable. 

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Vue du bâtiment 1 (villa) © J. Refuveille, Balloide-photo / Inrap
Le second bâtiment, situé au sud-est de l’emprise, a été épargné par la carrière d’extraction de limon du XIXe siècle implantée à proximité immédiate, juste le long de sa façade sud. L’orientation, selon un axe nord-est / sud-ouest, est globalement identique à celle du premier bâtiment. Long de 25,70 mètres et large de 11,30 mètres, son espace interne présente quatre plots divisant l’espace en deux travées. La fouille a permis de constater que plusieurs remaniements ont été observés, avec notamment le creusement d’une cave et la construction d’un petit édifice recoupant le pignon nord-est. La configuration autorise à penser que nous sommes en présence d’une dépendance agricole dédiée au stockage, connue durant l’Antiquité sous le nom d’horreum

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Vue du bâtiment 2 (horreum) - © j.refuveille@balloide-photo.com / Inrap

Un établissement atypique

L’architecture de ces édifices (plan allongé du bâtiment résidentiel, thermes privés, horreum) évoque clairement la villa gallo-romaine picarde, mais l’organisation spatiale est indiscutablement originale. Les différentes couches de démolition indiquent un abandon des lieux aux environs de la fin du Ier ou au plus tard au début du IIesiècle. Hormis quelques indices datés du IIIe siècle, cette date d’abandon des lieux reste conforme aux observations faites lors de la fouille de 1997 où seule une sépulture à incinération datée du IIIe siècle illustrait la fin du Haut-Empire. Là encore, le site se démarque des autres établissements ruraux gallo-romains connus dans la Somme qui perdurent le plus souvent jusqu’au IVe siècle. 

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Vue des modifications apportées au bâtiment 2 - © j.refuveille@balloide-photo.com / Inrap