Rodemack (France): Archéologie du château, la place-forte aux trois frontières

INRAP

Source - http://www.inrap.fr/archeologie-preventive/Actualites/Communiques-de-presse/p-17962-Archeologie-du-chateau-de-Rodemack-la-place-forte-aux-trois-frontieres.htm

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Les archéologues de l’Inrap fouillent le château de Rodemack, sur prescription de l’État (Drac Lorraine), dans le cadre de sa réhabilitation par la Communauté de communes de Cattenom et environs. Après une opération de quatre mois en 2013, cette seconde campagne de fouille qui démarre, durera jusqu’en octobre 2014. Elle concerne plusieurs zones du château, rénové au XIXesiècle, notamment son noyau originel des XIIe-XIIIe siècles, sur une emprise de 7 500 m2. Place-forte très convoitée, le château de Rodemack est implanté près de trois frontières, celles du duché du Luxembourg, des pays germaniques et du duché de Lorraine. L’archéologie permet de renouveler son histoire et de retracer notamment son riche passé militaire. 

Redécouverte du château médiéval

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En 2013, les archéologues de l’Inrap ont étudié des vestiges sous les bâtiments actuels datant du XVIe siècle. L’équipe a mis au jour les fondations de bâtiments défensifs médiévaux des XIVe et XVesiècles, notamment une tour conservée sur 1,50 m de hauteur, un bâtiment carré bordé de fossés de 8 m de profondeur, et un pilier monumental qui soutenait un pont-levis. Ces découvertes vont permettre d’établir un plan précis de l’ancien château médiéval. Des boulets en pierre dure et en fonte de fer, ainsi que des munitions en plomb, témoignent du passé militaire de cette place forte stratégique, jouxtant trois frontières, fortement convoitée par le Royaume de France dès le XVIe siècle. 
L’envergure des vestiges mis au jour était inattendue, le château ayant subi des incendies, démolitions partielles et sièges successifs. Sous plus de mille-cinq-cents tonnes de remblais, les archéologues ont retrouvé des témoins de l’histoire du château remontant même au XIIe siècle. Les chercheurs ont prélevé une grande variété d’objets du Moyen Âge et de la Renaissance: verrerie, vaisselle en céramique (grès rhénans et poterie à glaçure mosellane), carreaux de poêles décorés, outils, armements, monnaies, etc. Ils témoignent d’une économie riche, dans un milieu aristocratique germanique en pleine expansion durant ces périodes. 

Du noyau originel du Moyen Âge au château de la Renaissance

Cette seconde campagne de fouille qui vient de débuter est déjà riche en vestiges. Les chercheurs ont ainsi dégagé, dans le cœur du château, un bâtiment originel des XIIIe-XIVe siècles. Ils ont désormais une vue complète de ce bâtiment dont la moitié avait été fouillée en 2013. De 8 m de large et au moins 15 m de long, ce noyau originel est constitué de quatre pièces : une grande pièce centrale, une plus petite, une cuisine avec un imposant four à pains, et une pièce dans laquelle des peintures murales ont été retrouvées. La largeur de ses fondations permet de supposer qu’il intégrait un étage. À proximité immédiate de ce bâtiment, les archéologues dégagent une cour pavée d’environ 50 m2 datant du XVIe siècle. Il s’agit de la cour d’entrée du château construit à la Renaissance, qui a ensuite été arasé au XIXe siècle. Dans la cour, une citerne d’eau de six mètres de profondeur constitue un système de gestion de l’eau probablement antérieur à la Renaissance comme devrait le confirmer l’étude carbone 14 d’une couche de remblais incendiée. 

Imbroglios militaires aux XVIe et XVIIe siècles

La fouille de la caserne du XVIIe siècle, qui débute seulement, est déjà dense en informations. Cette caserne construite dans les années 1680 par Louis XIV a vocation à stocker des troupes près du Luxembourg qu’il envahira en 1684. 
Les archéologues dégagent actuellement la façade de cet imposant bâtiment de 40 m de long qui comportait trois niveaux. La fouille de ce bâtiment est source de surprises. En effet, son état antérieur est principalement connu pour avoir été arasé, or les archéologues dégagent aujourd’hui, sous la caserne, des bâtiments plus anciens, datant des XVe et XVIe siècles. Un dépôt d’une dizaine de monnaies datées de 1550-1560, dont une à l’effigie de Charles Quint, a été retrouvé. Cette bourse de soldat, perdue ou volontairement cachée, conforte le passage de troupes du puissant empereur germanique à Rodemack. En effet, à cette époque, deux superpuissances se disputent l’Europe : le royaume de France et l’Empire germanique. Charles Quint et ses troupes, en passant par la ville du Luxembourg et Rodemack, se rendent à Metz en 1552 qu’ils assiègeront pendant plus de deux mois. La fouille en cours des bâtiments des XVe et XVIe siècles, retrouvés sous la caserne, devrait donc révéler de nouvelles facettes de l’histoire des conflits et permettre de reconstituer des plans successifs de l’évolution du château. 

Aménagement : Communauté de communes de Cattenom et environs (CCCE) 

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’Archéologie (Drac Lorraine) 

Recherche archéologique : Inrap 

Responsable scientifique : Jean-Denis Laffite, Inrap