Rennes. Deux mille ans d’histoire au couvent des Jacobins
Leïla Marchand / Photos : Jérôme Fouquet
Source - http://www.ouest-france.fr/actu/actuLocale_-Rennes.-Deux-mille-ans-d-histoire-au-couvent-des-Jacobins-[galerie-photos]_40771-2040065-pere-region--35238-abd_filDMA.Htm
Les fouilles archéologiques du couvent des Jacobins ont révélé leurs premiers vestiges : voie romaine, céramiques, sépultures, boutons…
Des Romains y avaient construit un quartier commerçant, des centaines de pèlerins y ont prié, Anne de Bretagne s’y est fiancée et des militaires l’ont réquisitionné… Le sol du couvent des Jacobins, un édifice du XIVe siècle, est riche d’une histoire de deux millénaires. Le site est actuellement étudié à la loupe par une quinzaine d’archéologues de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), dirigés par Gaëtan Le Cloirec.
8 000 m2 de fouilles
Depuis le 30 novembre, ce couvent près de la place Sainte-Anne est le théâtre d’un gigantesque chantier de fouille archéologique de 8 000 m².
Chaque couche de terre ou de béton retirée met au jour une nouvelle tranche d’histoire. « Tout l’enjeu consiste à faire apparaître cette chronologie historique dans l’étude du bâti, explique Gaëtan Le Cloirec. On va d’abord enlever toute la première épaisseur, le dallage en béton, puis fouiller petit à petit manuellement jusqu’aux strates les plus anciennes. »
Rue Le Bastard version gallo-romaine
La première phase de fouille concerne le jardin du cloître. Après trois semaines de décapage du sol, « des choses sont apparues » : des fondations de murs, une chaussée, des caniveaux pour les eaux usées, des céramiques. Les archéologues sont parvenus à imaginer le décor de l’époque.
Entre le Ier et le IVe siècle, quand Rennes s’appelait encore Condate, une voie romaine majeure traversait le jardin du nord au sud. « Au IIe siècle ils ont même ajouté une galerie piétonne. C’était un quartier très fréquenté, dynamique, avec probablement des commerces d’orfèvrerie. On pourrait la comparer avec la rue Le Bastard aujourd’hui ! »
Une vingtaine de squelettes
Des vestiges de l’époque médiévale ont aussi été mis au jour. Outre des vases, des clous rouillés, des pavés, de la monnaie, une vingtaine de sépultures étaient éparpillées dans le jardin. Du XVe au XVIIe siècle, le cloître devait servir de cimetière.« C’est une population hétéroclite. Des femmes, des vieillards, des enfants de dix ans, d’origine modeste ou plus noble, raconte l’archéologue. On a même trouvé des gens qui avaient la syphilis ou les vertèbres soudées. Ça donne une idée de l’état sanitaire de la population de l’époque ! »
Des boutons militaires
Au beau milieu du jardin du cloître, de larges fosses en schiste pourpre sont sorties du sol. Ces fondations ont dû être construites par l’armée au XXe siècle, qui avait réquisitionné le bâtiment. « Ces cuves étaient peut-être liées à une activité de blanchisserie », suppose les chercheurs.
Dans une fosse, une découverte plus surprenante : des dizaines de boutons. De toutes formes, agglomérés tous ensemble par la rouille, ces boutons devaient être stockés pour les vêtements des militaires.
Pas assez de place pour tous les pèlerins
Les archéologues s’attaquent actuellement à l’intérieur des bâtiments. Les premiers travaux révèlent une série d’enfeux dans la galerie sud. Ce sont des sépultures de notables de la ville encastrées dans les murs. Des empreintes révèlent que le mur a été repoussé pour agrandir cette galerie. Révélateur, d’après les architectes. « Au XVIIe siècle, le site avait une forte aura. Des pèlerins venaient de partout pour vénérer, dans la chapelle, la vierge de Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle, réputée pour apporter protection. Et c’est aussi ici qu’Anne de Bretagne s’est fiancée. Il fallait agrandir la galerie pour accueillir cette foule ! »
En 2013, place aux architectes
L’opération de fouille devrait durer entre 15 et 18 mois. En 2013, les archéologues devront laisser la place aux architectes. En 2016, le site accueillera le futur centre des congrès. Ce projet d’ampleur porté par Rennes Métropole comprendra deux auditoriums (1 000 et 300 places), un espace d’exposition et une vingtaine de salles de réunion pour une surface de 13 000 m².