Régimes démographiques différents selon le mode de vie des populations humaines et des expansions antérieures au Néolithique en Afrique et en Eurasie.

Muséum national d’Histoire naturelle/CNRS/Université Paris Diderot

Source - http://www2.cnrs.fr/sites/communique/fichier/les_donnees_genetiques_revelent_des_regimes_demographiques_differents_selon_le_mode_de_vie_des_populations_humaines.pdf

Initiée selon les régions entre 11 000 et 5 000 ans avant notre ère, la période néolithique fut marquée par l’un des principaux bouleversements culturels et technologiques de l’Histoire de l’Humanité. En effet, la domestication des plantes et des animaux, initiée indépendamment à partir de plusieurs régions du monde (Proche-Orient, Chine, Nouvelle-Guinée, etc.), modifia alors profondément le mode de vie de nombreuses populations. Jusqu’ici constituées de chasseurs-cueilleurs mobiles, la plupart d’entre elles se sédentarisèrent avec les débuts de l’agriculture. D’autres populations, notamment dans les régions les plus arides, développèrent l’élevage et conservèrent un mode de vie partiellement nomade. Alors que nombre d’archéologues et de paléoanthropologues considéraient la sédentarisation comme un préalable aux grandes expansions démographiques humaines, une étude génétique, initiée par le laboratoire «Eco-anthropologie et ethnobiologie» (Muséum national d’Histoire naturelle/CNRS/Université Paris Diderot) et impliquant également le laboratoire «Hôtes, vecteurs et agents infectieux : biologie et dynamique» (Institut Pasteur/CNRS), remet à présent en question cette théorie. Cette étude a été publiée récemment dans Molecular Biology and Evolution. (1)

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Agriculteurs sédentaires d’Asie Centrale. © Laure Ségurel.

Grâce à l’analyse de données génétiques contemporaines obtenues par les laboratoires participants à l’étude, combinées à des données déjà publiées dans la littérature, les auteurs révèlent des expansions antérieures à l’apparition de l’agriculture et à la sédentarisation dans de nombreuses populations africaines et eurasiatiques. En Afrique, ces expansions démographiques auraient en fait commencé il y a 120 000 à 8 000 ans selon les populations, alors même que les premières traces d’agriculture relevées par les archéologues sur ce continent ne datent que de 5 000 ans environ.

De même, dans de nombreuses régions d’Eurasie (Europe, Moyen-Orient, Pamir, Asie centrale, Sibérie, Chine et Japon), la croissance démographique aurait commencé entre 60 000 et 10 000 ans avant notre ère, soit à la fin du Paléolithique moyen ou au Paléolithique supérieur.

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Campement d’éleveurs nomades en Asie Centrale. © Laure Ségurel

Ces expansions anciennes pourraient être liées à l’apparition de nouveaux outils pour la chasse, tel que l’arc, en association avec des conditions climatiques favorables.

Les auteurs soulignent néanmoins une association entre l’histoire démographique des populations dès le Paléolithique et leur mode de vie actuel. En effet, les ancêtres des populations sédentarisées depuis le Néolithique semblaient déjà connaitre de plus fortes expansions au Paléolithique que leurs voisins devenus éleveurs nomades.

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Chasseurs-cueilleurs nomades en Afrique Centrale. © Paul Verdu

Par ailleurs, on ne détecte aucun évènement d’expansion chez les populations ayant conservé un mode de vie nomade basé sur la chasse et la cueillette. Cette association suggère que de fortes expansions au Paléolithique auraient pu ultérieurement favoriser l’apparition de l’agriculture au Néolithique dans certaines populations.

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Human genetic data reveal contrasting demographic patterns between sedentary and nomadic populations that predate the emergence of farming. C. Aimé, G. Laval, E. Patin, P. Verdu, L. Ségurel, R. Chaix, T. Hegay, L. Quintana-Murci, E. Heyer, F. Austerlitz.

http://mbe.oxfordjournals.org/content/early/2013/09/27/molbev.mst156.full.pdf+html