Qurta (Egypte) : Un art rupestre préhistorique en Afrique du Nord

Un art rupestre préhistorique en Afrique du Nord

Nicolas Constans / Photos © RMAH, Brussels 

Source - http://www.larecherche.fr/content/actualite-archeologie/article?id=31170

 

Des gravures préhistoriques trouvées en Égypte prouvent l’existence d’un art rupestre en Afrique du Nord, contemporain de celui qui florissait en Europe au paléolithique.

Lascaux, Altamira, Chauvet : les plus anciennes grottes et parois rocheuses ornées de peintures ou de gravures figuratives se trouvent en Europe, surtout dans le sud-ouest de la France et en Espagne. L’ancienneté des oeuvres s’étend pour l’essentiel de 31 000 ans à environ 10 000 ans. Il en existe dans de nombreuses régions du monde, mais elles sont en général difficiles à dater. 

Des gravures d’animaux retrouvées au sud de l’Égypte par une équipe belgo-américaine viennent toutefois d’être datées à plus de 15 000 ans [1] . C’est le plus ancien site d’art rupestre d’Afrique.

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Les gravures sont situées sur des parois en grès, qui bordent la plaine du Nil. Il y a en tout trois sites, non loin du village de Qurta. Les trois quarts des gravures représentent des aurochs. D’autres animaux sont présents : des oiseaux, des hippopotames, des poissons, des gazelles et des antilopes. Au total, 180 animaux ont été dessinés, de manière assez réaliste.

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Par chance, les archéologues ont découvert un moyen de dater ces gravures. Car l’un des panneaux gravés était partiellement recouvert de sédiments déposés par le vent. En examinant ces derniers, les géologues de l’équipe se sont rendu compte qu’ils étaient sans doute très anciens. Ils ressemblaient en effet à ceux que les crues du Nil déposaient il y a plus de quatorze mille ans.

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Radioactivité

Une technique fondée sur la radioactivité naturelle présente dans ces sédiments a permis de les dater : ils se sont déposés sur la paroi il y a 15 000 ans. Les gravures sont donc forcément antérieures à cette date. Des datations au carbone-14 d’os d’animaux présents dans les sédiments l’ont confirmé. « Les datations sont convaincantes », indique Jean-Loïc Le Quellec, du Centre d’études des mondes africains à Paris. D’après leur patine, les gravures sont probablement plus anciennes de quelques millénaires, autour de 19 000 à 17 000 ans.

Il existait donc un foyer d’art rupestre en Afrique du Nord. Où le trouvait-on ? Dans la vallée du Nil, où il existe quatre autres sites de gravures avec des thèmes similaires, non datés. Sans doute aussi sur les côtes nord-africaines, car un site en Libye présente des dessins d’aurochs très semblables. Mais pas au Sahara, extrêmement aride à cette époque, dont l’art rupestre est plus récent.

Le style des gravures est très proche de celui qui existe en Europe lors de la Préhistoire. « Si ces gravures avaient été retrouvées en Europe,explique le responsable de l’équipe, Dirk Huyge, des Musées royaux d’art et d’histoire de Bruxelles, elles auraient probablement été classées avec celles de la fin de la période magdalénienne, vers 14 000 à 12 000 ans. » 

En particulier, on trouve à Qurta, en plus des animaux, quelques dessins schématiques de figures féminines aux fesses proéminentes, comme dans l’Europe de cette période. Le niveau de la Méditerranée étant alors très bas, des contacts via la Sicile par exemple ne seraient pas inenvisageables. Cependant, le type de pierres taillées trouvé en Afrique du Nord n’a pas de lien évident avec celles fabriquées en Europe au Magdalénien.

 [1] D. Huyge et al., Antiquity,85, 1184, 2011.