POMPEI (Italie) : Une seconde mort ? Part.2

 

La seconde mort de Pompéi

Part. 2

 

Richard Heuzé 

Source : http://www.lefigaro.fr/culture/2010/12/11/03004-20101211ARTFIG00096-la-seconde-mort-de-pompei.php

Dans la villa des Mystères, ces fresques au rouge vif caractéristique de Pompéi représentent des rites d'initiation au culte de Dionysos. (Eric Vandeville)

La surintendance dispose de liquidité de caisse. Mais un tiers seulement est utilisé. Le reste est bloqué dans les méandres de la bureaucratie. Le moindre projet requiert une myriade de signatures. Les syndicats s'en mêlent: un ouvrier ne peut effectuer une réparation à plus de 1,50 mètre de hauteur. Au-delà, il faut rédiger un plan de charges, recueillir quinze autorisations, nommer un architecte et un chef de chantier. Toute restauration, toute consolidation doivent ainsi passer à travers le crible d'une profusion d'intervenants. Avant que ne s'ouvre le chantier, quatre à cinq ans s'écoulent: «Entre-temps, les priorités ont pu changer», déplore un archéologue.

L'Etat a une lourde part de responsabilité: politique culturelle erratique, valse des dirigeants, trois surintendants nommés en dix-huit mois, des commissaires dotés de pleins pouvoirs sans avoir forcément les compétences nécessaires pour gérer un patrimoine archéologique. A peine nommés, certains «managers» gèlent tous les projets au profit d'une politique parfois déconcertante de promotion de l'image de Pompéi. Fallait-il dépenser 5 millions d'euros afin d'aménager le forum pour un concert de Riccardo Muti, qui aurait très bien pu se dérouler à l'Opéra San Carlo de Naples? Etait-il nécessaire de détourner des fonds affectés à l'entretien ordinaire, qui fait si grandement défaut, pour organiser une exposition sur la protection civile? Etait-il opportun de prélever 2 millions d'euros sur le budget ordinaire pour financer de coûteux projets d'animation audiovisuelle?

 
Cette mosaïque, l'une des plus célèbres de l'Antiquité, représente la victoire d'Alexandre sur Darius à la bataille d'Issos en 333 avant J.-C. Elle ornait le pavement de la maison du Faune. Pompéi avait développé un art raffiné des décorations d'intérieur, avec la présence de dizaines d'artisans et de corps de métier. (Eric Vandeville)

C'est ce qui a été fait à la maison de Julius Polybius, mitoyenne de celle des Amants chastes. Le maître de maison en grande toge blanche apparaît en hologramme aux visiteurs. D'une voix caverneuse, il leur raconte la tragédie de sa famille de treize membres, dont sa fille enceinte de 19 ans, asphyxiés par la pluie de cendres qui s'est abattue à midi, le 24 août de l'an 79. En un rien de temps, entre 8000 et 20.000 habitants (le nombre exact n'est pas connu) ont péri avant qu'une nuée ardente n'enfouisse la ville durant dix-sept siècles. Pendant qu'il parle, des sons montent de la rue et des cuisines, recréant l'atmosphère des derniers instants de la villa : bruits de chars et de casseroles, braiments, chants d'oiseaux, une voix d'enfant cherchant sa tortue.

Ce que déplorent le plus les archéologues, c'est l'absence de planification, de plan d'ensemble, de vision stratégique. Ce dont Pompéi aurait le plus besoin, c'est d'un effort global et coordonné de maintenance ordinaire. De quoi mettre en sécurité murs et toits exposés aux intempéries. Dans la superbe villa des Mystères, après quatre ans d'attente, des appels d'offres viennent enfin d'être lancés pour en restaurer les très délicates fresques.

A Herculanum, la ville jumelle, un mécénat exemplaire

 
Au premier plan, les colonnes corinthiennes du Capitolium, temple dédié à Jupiter, Junon et Minerve, sur le Forum. (Eric Vandeville)

D'une manière étonnante, jamais aucun grand groupe privé italien, aucune fondation bancaire n'a sponsorisé des projets de défense du patrimoine de Pompéi. Le ministre Bondi propose de créer une fondation pour maximiser les financements. L'idée a reçu un accueil plutôt froid.

A la différence de ce qui prévaut à Herculanum, la ville jumelle, à 15 kilomètres en contrebas, en bordure de mer: à l'instigation d'un riche Américain passionné d'archéologie, David W. Packard, 3 millions de dollars sont investis chaque année depuis 2004 - et pour quatre ans encore - dans des projets d'infrastructure comme la réfection du réseau hydrique. Une collaboration exemplaire, qui associe expertise et intelligence. Un ingénieur en résume la philosophie: «L'eau est le pire ennemi de l'archéologie. Quand le contrat a été signé avec Packard, nous avons cherché à être le plus efficace possible. Nous avons refusé de restaurer telle ou telle domus pour privilégier la remise en état de l'antique réseau de canaux souterrains obstrué par les cendres. Cette approche a été payante. Les résultats sont spectaculaires. Herculanum, qui est une ville encaissée, n'est plus inondée par les eaux de pluie, qui défluent rapidement vers la mer.»

Pour la directrice d'Herculanum, Maria Paolo Guidobaldi, «avec un peu de méthode, ce mécénat pourrait être appliqué avec succès à Pompéi...»