Périgueux (France) : Deux mille m² d'histoire sous la piscine Bertran-de-Born

 

Deux mille m² d'histoire sous la piscine Bertran-de-Born (24)

Source - http://www.sudouest.fr/2011/07/05/deux-mille-m-d-histoire-443868-1980.php 

 

Les fouilles ont commencé sous les vestiges de la piscine Bertran- de-Born. Le chantier a permis de mettre au jour quatre époques du Périgueux antique.

 

Sur le chantier de la piscine, les archéologues travaillent à la pelleteuse, à la truelle ou au balai, sous un soleil de plomb. PHOTO F. Thierry

 «Sous le sol, la ville est un gigantesque puzzle, dont voici une partie », décrit Wandel Migeon, le responsable du chantier de fouilles. Sous ses pieds, les murs d'un grand bâtiment de l'époque romaine antique côtoient une petite halle médiévale, pendant qu'une poignée de techniciens nettoient la pierre, accroupis sous des parasols aux couleurs estivales.

Depuis le 6 juin, une équipe de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) creuse le sol de l'ancienne piscine Bertran-de-Born de Périgueux, à la recherche du passé de la ville. Mandaté par le Service régional d'archéologie, le chantier de 2 000 mètres carrés précède la construction de la nouvelle piscine, qui devrait être lancé dans quatre mois par la Communauté d'agglomération périgourdine (CAP).

          ARC 100  :  Introduction à l’Archéologie  /  Introduction to Archaeology

          ARC 101  :  Les grandes découvertes archéologiques

          ARC 102  :  Histoire de l’Archéologie / The history of Archaeology

Que pourrait-on trouver là ?

La meilleure spécialiste de la ville antique de Périgueux est sans doute Claudine Girardy-Caillat. Elle a été durant des années ingénieur au Service régional de l'archéologie et on lui doit l'ouvrage de référence : « Périgueux antique » (Éditions du Patrimoine). Elle a quitté la région, mais cette Périgouridine continue à s'y intéresser en préparant sa carte archéologique, qui devrait être achevée vers 2012.

Le site de l'ancienne piscine est selon elle très intéressant. « À l'époque de la construction, il y avait eu des fouilles rapides de Claude Barrière qui avait vu des vestiges, mais ils n'avaient pas été identifiés. On avait trouvé des vestiges de chauffage par hypocauste. »

À cet emplacement, on se trouve à proximité de l'ancien pont Japhet, découvert lors de la construction de la passerelle, entre les Thermes de Godofre (situés vers le canal) et les Domus de la Visitation. « On sait que c'est un quartier urbain avec des demeures d'habitation. On a déjà trouvé des domus sous Bertran de Born. Sous la gendarmerie, on a trouvé un habitat du IIIe siècle ». Quant à y trouver un bâtiment public, elle a quelques doutes : « C'était d'abord une entrée de ville. » Mais en matière d'archéologie, elle sait que le terrain peut toujours réserver des surprises.

Les rues et voies qu'on pourra y trouver seront intéressantes pour continuer à reconstituer le plan de la ville antique. « C'était essentiel de faire des fouilles importantes ici, insiste-t-elle. Cela permettra de faire avancer la vision archéologique de Périgueux ».

Certes, c'est cher, mais comme tous les archéologues, elle défend cette nécessité de mieux connaître et de défendre notre patrimoine.

Du début à la fin de l'Empire

Sous les tonnes de terre décapées par les camions, les pelleteuses et la dizaine de techniciens du site, plusieurs bâtiments ont été découverts. De quoi compléter les fouilles qui avaient déjà été entreprises au même endroit dans les années 60, avant la construction de la première piscine.

Plus les archéologues creusent, plus ils remontent dans le passé. Mais il est souvent nécessaire de détruire les époques du dessus pour découvrir les plus anciennes.

Selon le responsable des fouilles, « le chantier nous a fait découvrir quatre niveaux superposés, qui représenteraient quatre étapes différentes de l'occupation romaine ». À ce stade des recherches, il est encore trop tôt pour dater précisément ces vestiges, mais, selon les premières observations de Wandel Migeon, ils pourraient s'échelonner du début de l'occupation romaine (fin du Ier siècle avant Jésus-Christ), à la période du Bas-Empire (IVe siècle après Jésus-Christ). Pour mémoire, Périgueux est construite sur les ruines de Vésone (Vesunna), une ville gallo-romaine d'envergure construite en l'an 16 avant Jésus-Christ.

De chaque côté du chantier se trouvent des constructions romaines et médiévales, les deux périodes principales de l'histoire périgourdine. Dans la partie est (rue Lakanal), le béton de tuileau (1) signale la présence romaine et un morceau de rue permet de confirmer que Vésone était une ville orthonormée, aux rues perpendiculaires.

Un bâtiment public ?

La pièce maîtresse est un grand bâtiment, qui pourrait avoir été public. « Il a été construit avec des dalles de grandes dimensions, rarement associées à un bâtiment privé », suppose le chef du chantier.

Sur le flanc ouest des fouilles (rue Charles-Mangold), les archéologues ont découvert une halle de l'époque médiévale, « probablement un jardin ou une place ouverte », selon Wandel Migeon. Plus récente, cette époque permet d'expliquer les nombreux « trous » présents dans les constructions antiques : « Les architectes de l'époque médiévale se sont servi des constructions romaines comme d'une carrière de pierres », explique l'archéologue.

Les fouilles prendront fin en octobre. Les plus belles céramiques découvertes iront rejoindre les musées. En septembre, le chantier sera ouvert au public et aux scolaires.

(1) Matériau typique de l'architecture antique.