Narbonne (France) : Un palais romain enfoui par un manque de décision

 

Un palais romain enfoui par un manque de décision

Source - http://www.lindependant.fr/2011/09/05/ce-palais-romain-enfoui-par-un-manque-de-decision-d-un-sondage-obligatoire-a-une-campagne-de-fouille-enterree,58016.php 

 

"Narbonne serait une nouvelle Pompéi si l'on fouillait ses bains, ses arènes et ses amphithéâtres…" a noté l'écrivain français Charles Nodier (1835). Depuis le XIXe siècle, les archéologues ont patiemment reconstitué la ville dormant sous nos pieds. Chaque chantier est une hantise pour les entrepreneurs, tant le sous-sol révèle ses richesses à quelques mètres à peine. On sait que, face au Palais de Justice, surgira bientôt de terre une résidence. Derrière la palissade, les ouvriers s'activent pour respecter le calendrier, mis à mal par des années de retard. Pour la société narbonnaise SM, la crise a ralenti l'activité et a freiné les velléités dans le domaine immobilier. Mais il n'y a pas que cela.

Car, outre le rempart qui ceinturait la ville, les fouilles archéologiques ont mis au jour des vestiges d'une exceptionnelle richesse. Si beaux qu'ils témoignent d'un passé plus important qu'une demeure, aussi luxueuse fut-elle. On situe là l'emplacement d'un palais, édifié au Ier siècle avant notre ère. À 5 mètres sous terre, un sondage a été réalisé en 2006. Il fut très limité : 3 m sur 1,50 m. Mais il a révélé des enduits peints de très grande qualité, des céramiques, des tubulures en terre cuite.

 

Un enduit peint d'une exceptionnelle beauté enfoui dans le sol

Parmi les enduits peints, ce masque (photo) a conservé son aspect tragique, comme si, en l'exhumant, la figure restait figée de stupeur. La pupille noire de l'oeil est cernée d'un trait blanc, et la paupière est noire comme la bouche et la narine. Le pigment utilisé, le rouge cinabre, est l'un des plus coûteux : importé d'Italie, il était réservé aux ornements des salles d'apparat des très riches demeures de l'Empire. Des enduits peints dont on ne trouve l'équivalent qu'à Rome et Pompéi. Deux chapiteaux corinthiens richement décorés qui devaient couronner des pilastres ont été remontés. À partir d'autres fragments, les archéologues ont reconstitué deux colonnes cannelées surmontées d'un chapiteau corinthien décoré de feuilles d'acanthe et d'un fronton triangulaire à rampants concaves jaune orangé et brun.

Qui était donc le riche propriétaire de ce palais ? Nul doute qu'un notable très fortuné a vécu là, car il n'avait pas lésiné sur les moyens et fait venir d'Italie, jusqu'à Narbo Martius, une équipe de peintres vers le milieu du Ier siècle avant Jésus-Christ. Les archéologues n'ont pas eu l'opportunité de pousser plus loin les recherches qu'un simple sondage, en dépit du caractère exceptionnel des vestiges. Dans le jeu de cartes de notre siècle, l'économie vaut un as et coiffe l'archéologie, qui a tout juste valeur d'un 5... On ne peut que rêver, en foulant le trottoir face au Palais de Justice, au prestige de Narbo Martius, dont la splendeur dès sa fondation en 118 avant J-C a diffusé la romanité en Gaule... et regretter ainsi que l'on foule aujourd'hui avec mépris cette fille de Rome.