Manden (Mali): prospection et fouilles archéologiques

Y. Doumbia

Source - http://maliactu.net/archeologie-la-richesse-du-manden/

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L'empire du Mali au début du xive siècle.

Les zones prospectées ont révélé de nombreux sites d’habitats anciens - Une équipe mixte de prospection et de fouilles archéologiques, dirigée par le Dr Mamadou Cissé, chef de la Mission culturelle de Kangaba, a récemment sillonné le Manden. Elle était composée d’archéologues japonais et maliens. Elle a visité 8 sites archéologiques et un site fouillé. Ce bilan démontre la richesse du Manden en sites archéologiques. Les sites prospectés sont généralement des sites d’habitats anciens dont certains sont associés à des sites métallurgiques. Les traits de l’urbanisation, dont les témoins sont les grandes buttes, sont présents dans les zones prospectées, surtout dans la commune du Kaniogo. A l’instar des autres régions du Moyen Niger (Delta Intérieur du Niger, Région des grands lacs et la Boucle du Niger), ces sites d’anciennes habitations témoignent d’une certaine prospérité et traduisent une situation politique assez stable.

Berceau de l’un des plus puissants empires du Moyen Age, l’Empire du Mali, la zone mandingue était une importante destination, voire un carrefour des caravaniers quittant le nord pendant la période historique et empruntant la route ou la voie fluviale. La présence de fragments de récipients en verre, des perles en verre, de certains types de poterie dans les sondages fouillés sur le site de Djiguila à Badougou Djoliba et sur la surface des sites prospectés attestent la vitalité de ces routes caravanières et l’interaction interrégionale des populations différentes.

Le Dr Cissé estime qu’il est important de signaler que les sites inventoriés sont très peu connus et documentés. La tradition orale, très vivace dans le Manden, fourni très peu d’information sur la chronologie d’occupation de la plupart des sites prospectés. D’où la nécessité de procéder à des fouilles archéologiques de longue durée.

Au total 8 sites archéologiques ont été enregistrés. Ces sites sont pour la plupart des sites d’habitats (anciens sites de villages). Certains de ces sites sont associés à des sites d’activités métallurgiques, des fortifications défensives, des structures funéraires et des sites culturels. Dans ce présent rapport, les sites reconnus dans chacune des deux communes sont présentés.

Au total, 2 sites d’habitats anciens ont été répertoriés dans la commune rurale de Minindjan. Il s’agit des sites de Farabana et de Sekoro situés environ entre 2 km et 3 km de Kangaba. Farabana est un ancien site d’habitat des familles de patronyme Keita, tandis que Sekoro est un ancien établissement des familles Koné. Ces deux sites d’anciennes habitations sont ovales et leurs dimensions varient entre 200 et 500 m de diamètre. Les deux sites visités sont plats. Il existe sur le site de Sekoro des amas de pierre latéritiques. Selon les guides de l’actuel village de Sekoro, ces pierres latéritiques étaient utilisées dans la construction du mur d’enceinte en ruine. L’état de conservation des deux sites prospectés est mauvais. Ces anciens sites d’habitat sont généralement utilisés comme champs de culture. Les sites sont très souvent difficiles d’accès (utilisation des pistes rurales) surtout pendant la saison pluvieuse.

Le mobilier archéologique de surface est composé de tessons de poterie, de matériels de broyage (meules et broyeurs) et de scories. Notons qu’à 500 m du site de Sekoro, les restes d’un ancien atelier métallurgique sont visités. Cet atelier contient des restes de bas fourneaux et beaucoup de scories.

Dans la Commune rurale de Kaniogo l’équipe a été impressionnée par la densité des sites d’anciens villages. Au total 6 sites d’habitats anciens ont été répertoriés en deux jours de prospection. Ces sites sont généralement plats, de forme rectangulaire ou ovale. Les dimensions des sites varient de 200 à plus de 800 m. Certains sites, tels que les buttes de Balanza fondées par Tyramakan Traoré, un des lieutenants du fondateur de l’Empire du Mali, Soundjata Keita, et de Leko, site d’ancienne habitation des Berthé, sont de véritables buttes atteignant parfois 20 à 30 ha et 4 à 6 m de hauteur. La plupart des sites de la zone sont utilisés comme champ de culture. Plusieurs traces de puits d’orpaillage traditionnel ont été observées : cette pratique a fortement joué sur son état de conservation. Des restes de murs construits avec des briques rectangulaires en banco et des structures en pierre latéritique ont été observés sur les sites de Djinkono et Linkorosso.

Le mobilier archéologique de surface des sites est composé de tessons de poterie, de matériels de broyage (meules et broyeurs), de scories, de tessons de verre, de perles en verre et divers objets en fer. Il faut préciser qu’à l’exception du site de Leko, tous les autres sites répertoriés, incluant les sites de Tegue, Linkorosso, Balanza, Somanko et Djinkoro, ont été fondés par Tyramakan Traoré ou ses descendants. Sur le site de Djiguila à Badougou Djoliba situé à 35 km au sud-ouest de Bamako, sur la route Bamako – Kangaba. C’est l’un des plus anciens villages de l’aire culturelle communément appelée « Mandé ».

Selon les notables, le Village fut fondé vers le XIème siècle par Bemba Kanda KEITA. Ce dernier est descendant de Djoko Bala Oulé KEITA qui était installé dans la forêt du Wanda dans les monts Mandingues. Bemba Kanda KEITA quitta le Wanda, descendit les collines pour s’installer dans la plaine au bord du marigot «SAMA MIN KÔ », qui sert d’abreuvoir pour les éléphants. Plus tard la déformation de   « SAMA MIKO dont le nom est Samanko, situé seulement à 15 km de Bamako.

Malheureusement la zone de Samanko n’était pas propice à la vie. Cela s’expliquait par la pauvreté de la terre et l’existence de la simulie (moucheron qui provoque l’onchocercose). Bemba Kanda enregistrait de nombreuses mortalités infantiles. Il jugea utile de se déplacer plus au Sud. Ce voyage le conduisit au lieu actuel de Djoliba. Le déplacement de Samanko a eu lieu et a entrainé l’éclatement de grande famille de Bemba Kanda. Certains frères jugèrent utile de créer de petits hameaux de culture. Ainsi les villages suivants furent fondés : Nyame, Karnalesofia, Balandougou et Namassiki. Ces 4 villages et Djoliba forment le canton de Balaoulena pendant la période coloniale. Les premiers étrangers qui regagnèrent Bemba Kanda furent les Koita. Ils effectuèrent ensemble les travaux d’installation, et conjurèrent les mauvais sorts. Les ancêtres des Keita signeront avec les Koïta un serment d’alliance. Selon les notables, ce traité est jusqu’à nos jours respecté. Les autres grandes familles que composent Djoliba sont : les Berthé, les Traoré, les Diabaté, les Koné et les Kané. L’activité principale des populations est l’agriculture ; l’élevage, la pêche et l’exploitation de sable dans le lit du fleuve Niger.