Créer un site internet

Les trésors historiques du fond des mers au musée de l’AUB

Les trésors historiques du fond des mers au musée de l’AUB

May Makarem

Source -http://www.lorientlejour.com/category/Liban/article/734941/Les_tresors_historiques_du_fond__des_mers_au_musee_de_l%27AUB.html 

 

aub1.jpg

Le Victoria Royal Navy planté verticalement, au large de Tripoli.

Des photographies d’épaves historiques reposant à des dizaines de mètres de profondeur et de traces d’existence humaine préservées dans des grottes immergées sont exposées au musée de l’Université américaine de Beyrouth (AUB), offrant un aperçu de la diversité du patrimoine culturel subaquatique et de son étonnant état de conservation à travers les siècles, voire même des milliers d’années.

L’exposition – qui s’inscrit dans le cadre du dixième anniversaire de la convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique adoptée par les États membres de l’Unesco en 2001 – illustre la richesse des sites archéologiques engloutis et révèle à travers les épaves des navires des histoires fascinantes sur les guerres et les échanges commerciaux depuis les époques reculées. Organisée par l’Unesco, en collaboration avec le musée de l’AUB et l’Icomos, elle se présente sous la forme d’une vingtaine de panneaux, accompagnés de textes explicatifs.
Ainsi, l’épave d’un navire marchand datant de l’âge du bronze récent a été retrouvée à Uluburun, site archéologique sous-marin, situé au sud de Kaş en Turquie dans la mer Méditerranée. Il s’agit de la plus ancienne épave découverte au monde. Reposant à plus de 40 mètres de profondeur, elle a été explorée de 1984 à 1994. Les fouilles ont permis de faire remonter à la surface des tonnes de poteries, de bijoux d’or et d’argent, d’outils et d’armes de bronze ainsi que des traces de fruits frais et secs, de provenances diverses, de la Crète, de Grèce, d’Égypte... Vu la quantité de cuivre transportée, il est fort probable que le bateau venait de Chypre. Les vestiges du navire, qui constituent la collection du musée Bodrum d’archéologie subaquatique, avaient été exposés il y a deux ans au Met, à New York.
Par ailleurs, une barque phénicienne (VIIe siècle av. J.-C.) a été découverte au large de Mazarrón, dans la région de Murcie, en Espagne. Elle avait conservé son ancre et sa cargaison de lingots de plomb. Près de l’île de Host, en Croatie, le port antique de Vis a livré un bateau portant principalement une cargaison de 650 amphores, de la période hellénistique.
Au Mexique, le patrimoine culturel subaquatique comprend également des objets et des traces anciennes de vie humaine préservés dans des grottes immergées, qui l’ont toujours été ou le sont devenues en raison de l’élévation du niveau de la mer. Au fond de la grotte Chan Hol, à Tulum, les spécialistes ont identifié des squelettes humains datant de 11 000 ans avant J.-C. et dans l’État de Yucatan (toujours au Mexique), la grotte Aktunkab (en partie submergée) présente plus de 300 empreintes de mains en négatif et en positif et 118 crânes mayas.
À Byblos, les travaux d’archéologie sous-marine ont de leur côté mis au jour une tranchée de fondation de 30 mètres de long, 4 mètres de large et six mètres de haut. À Tyr, entre 2003 et 2007, l’exploration sous-marine menée par l’archéologue Ibrahim Noureddine et le groupe Aresmar permet en outre de découvrir la jetée du port antique et un matériel datant du IVe siècle avant J.-C. De nombreuses marques de maçons sont visibles sur les premières assises de la jetée. Toujours à Tyr, des figurines du Ve siècle avant J.-C., recueillies par Noureddine et l’archéologue espagnole Myriam Seco Alvarez, émergent de la mer.
Les navires de guerre sont aussi témoins d’une page d’histoire. Dans la baie de Calvaire (ville de Valence) en France, le Togo, un cargo de 76 mètres, lancé en 1882, saute sur une mine en 1918. Il repose à une cinquantaine mètres de profondeur. Et c’est au large de Khaldé, au sud de Beyrouth, que le « Souffleur », un des neufs sous-marins français de type Requin, a sombré, en 1941. Il a été touché par des torpilles lancées par un sous-marin anglais et coupé en deux. L’épave, située à 4 km de la côte, a été retrouvée en 1994. Elle se trouve toujours à 35 mètres de profondeur.
Le Liban-Nord a aussi eu son lot : alors qu’en 1893 la flotte anglaise longe la côte syrienne, le Victoria Royal Navy est percuté par le Camperdown. En onze minutes, il coule en se posant sur le fond, plantée verticalement par sa proue à dix kilomètres au large de Tripoli. ! Il avait été repéré à 140 mètres de profondeur par Christian Francis. Dans le cadre dans cette manifestation qui se déroule jusqu’au 10 décembre, Francis donne à voir la maquette du navire Camperdown réalisée en 1893, un scaphandre autonome de 1956 et une boussole de navire datant de 1880.
D’autres photographies d’épaves découvertes en Australie, aux Bermudes, en Grande-Bretagne et au Soudan sont également exposées. Selon l’Unesco, plus de trois millions d’épaves seraient éparpillées au fond des océans dont certaines vieilles de milliers d’années. « Ce patrimoine est bien mieux conservé sous l’eau grâce au faible taux de détérioration et au manque d’oxygène. » Mais les nouvelles technologies ont ouvert les profondeurs marines à des chasseurs de trésors qui repèrent les épaves et leur chargement d’or et d’objets de valeur. En dix ans, près de trente épaves ont été détruites et exploités commercialement en Asie, soit 500 000 objets pillés... Le patrimoine, et l’histoire qu’il pourrait conter, se perd ainsi.