Les Gaulois premiers prothésistes dentaires

 

Les Gaulois premiers prothésistes dentaires

 

Souce - http://www.larecherche.fr/content/recherche/article?id=27441

 

Guillaume Seguin est archéo-anthropologue à la société Archéosphère, opérateur agréé en archéologie préventive.

Quel est le plus ancien implant dentaire connu ?

G.S. L'incisive en fer que nous avons trouvée sur la commune du Chêne, près de Troyes dans l'Aube, est un bon candidat, car elle date du IIIe siècle av. J.-C. Des soins dentaires ont été mis en évidence dès le Néolithique, mais les prothèses elles-mêmes semblent n'apparaître que durant l'Antiquité, notamment chez les Étrusques entre le VIe et le IVe siècle av. J.-C. Il s'agit essentiellement de bridges, c'est-à-dire des bandes ou des fils, souvent en or, reliant ensemble plusieurs dents. Le plus souvent, ils servaient à immobiliser une dent branlante. Parfois ils maintenaient une réplique de dent, en os ou en métal, partiellement engagée dans le trou laissé par une dent manquante. À l'inverse, la dent que nous avons retrouvée semble être un véritable implant, une prothèse dont la racine était enfoncée dans l'os de la mâchoire, à la place de la dent disparue.

À qui appartenait cette prothèse ?

G.S. À une Gauloise, probablement d'un statut social élevé d'après ses ornements : elle portait en effet un pendentif, un bracelet au poignet et un ceinturon à boucle de bronze, ainsi qu'une chaînette et deux fibules fixées à son habit. En outre, elle était inhumée dans une tombe de grandes dimensions, de trois mètres de long et d'un peu plus d'un mètre de large, à côté de celles de trois autres femmes. Toutes les sépultures étaient parfaitement alignées les unes par rapport aux autres.

L'a-t-elle portée longtemps ?

G.S. Nous ne sommes pas certains qu'elle l'ait portée. L'os de la mâchoire supérieure, le maxillaire, où la prothèse devait se trouver, n'a pas été conservé. Mais les dents étaient au complet, et dans l'ordre de leur position sur la mâchoire. La dent en fer a été modelée avec soin de façon à reproduire une incisive supérieure. Surtout, la racine de la prothèse est entière, ce qui suggère qu'elle était en effet implantée dans la mâchoire. Soit elle a été ajoutée à la mort de la défunte, et c'est une pratique funéraire inconnue jusqu'ici, Soit elle a été implantée de son vivant, comme la prothèse découverte dans la nécropole gallo-romaine de Chantambre dans l'Essonne, qui date du Ier ou du IIe siècle apr. J.-C. En tout cas, la surface oxydée de la prothèse de l'Aube ne nous permet pas de déceler d'éventuelles traces d'usure. Nous ne savons pas si elle avait uniquement une fonction esthétique, ou s'il était possible de mastiquer avec.

Propos recueillis par Nicolas Constans