L'homme qui fouille la terre et y retrouve notre histoire

 

L'homme qui fouille la terre et y retrouve notre histoire

J-H Mabille de P-

Source -http://www.lavoixdunord.fr/Locales/Montreuil/actualite/Secteur_Montreuil/2011/02/27/article_daniel-piton-l-homme-qui-fouille-la-terr.shtml?xtor=RSS-2

 

Il habite Bernieulles au milieu de poteries et de revues savantes. Daniel Piton, c'est la vivacité faite homme : on l'imagine sans peine galopant inlassablement, du lever au coucher du soleil, sur quelque site archéologique. Car au lieu d'être coiffeur à Etaples comme son père et son grand-père, il a choisi d'être professeur de maths et archéologue. Deux matières où il faut aussi savoir couper les cheveux en quatre !

 « L'archéologie, j'ai commencé en 1964 aux Sablins et à Bel Air. » À 21 ans donc car c'est en 1943 que Daniel Piton est venu au monde à Étaples, côté « terrien », pas côté « marin », rue Maurice-Raphaël. Faites le calcul : cela fait quarante sept ans qu'il fouille et farfouille.

Les Sablins, c'est à l'entrée de l'usine Valeo. L'âge de la pierre polie. Les premiers Étaplois ont au moins 5 000 ans bien sonnés. Bel Air, c'est à gauche à la sortie d'Étaples vers Boulogne là où s'étendent un nouveau quartier et une grande surface. Du plus récent : du gaulois de 300 avant Jésus-Christ.

De bons professeurs lui détectent la bosse des maths. Daniel Piton les enseignera à Boulogne et à Outreau pendant quarante ans ! Mais le virus de l'archéologie lui a été inoculé par la découverte par des ouvriers d'un trésor monétaire à Bel Air en 1963. Puis, peu après, à la lecture d'un article de La Voix du Nord relatant les découvertes faites aux Sablins, au moment où Ducellier, l'ancêtre de Valeo, commençait à s'y installer, sur les anciens jardins ouvriers de l'usine Saint-Frères.

Il s'agit de silex taillés et polis - « Allez donc savoir pourquoi ça m'a intéressé ! »- recueillis par des personnages hauts en couleur : Jean Couppé, « à l'origine de la création du musée du Touquet et de Quentovic, écrivain qui travaillait au casino du Touquet » Henri Mariette, vétérinaire à Samer ou encore le docteur Durigneux, étaplois : « Quand on ne pouvait pas le payer, ce n'était pas grave... » C'est le début d'une longue carrière sur les sites du Montreuillois (Étaples, La Calotterie, Brimeux, Marenla, Dampierre-sur-Authie,..), mais principalement menée sur les 130 hectares gallo-romains de Vendeuil-Caply, entre Amiens et Beauvais. Et, suprême responsabilité, la direction, encore aujourd'hui, de la Revue archéologique de Picardie : des milliers de pages, photos et croquis à éditer : un vrai travail de Romain !  

« Quel est l'imbécile qui m'a fait une farce ? » L'archéologue tient à la main un camée, style petits bijoux ou pièces de monnaie en plastique que distribuaient les stations service de l'époque. ...

Sauf que là, le camée était vrai et du IIe siècle !

Des anecdotes de ce genre, Daniel Piton, en a une petite collection. Comme la découverte fortuite, sur ce qui ressemblait à un enjoliveur de voiture, du nom gravé de la déesse honorée à Dampierre-sur-Authie au IIIe siècle, « Rosmerta ».

Plus étonnant encore, ce que les progrès de la science permettent depuis quelques années : « En étudiant les cernes de croissance de l'émail des dents d'un squelette, on peut savoir l'âge du décès et pour les femmes, le nombre de maternité et l'âge auquel elles ont eu leurs enfants. On peut aussi retrouver les traces de maladies. À Vendeuil-Caply, sur 50 sépultures d'une nécropole du Ve siècle, on a relevé cinq cas de lèpre... » Un musée sera d'ailleurs inauguré en mai prochain au milieu de ce site exceptionnel que Daniel Piton connaît comme sa poche. Aujourd'hui, l'âge venant, il est moins fouilleur qu'éditeur. Dans la Revue archéologique de Picardie, il publie toutes les études des fouilles menées dans la Somme, l'Oise et l'Aisne « avec des incursions au nord et et au sud ».

Ce n'est pas une sinécure. À titre d'exemple, le numéro spécial sur un quartier gallo-romain de Bucy-le-Long, dans l'Aisne, compte 1200 pages tout de même !

La nécropole du site a été découverte par un soldat allemand tombé par hasard dans une tombe, durant la guerre 14. « C'était justement un étudiant en archéologie de l'université de Berlin qui a dû être tué par la suite. On a été à Berlin voir les objets qu'il avait ramenés et on a pu consulter ses notes et ses relevés. On a été reçu comme des rois. » Autre souvenir ? « Quand le père de Georges Dilly, l'actuel conservateur du musée de Berck, me l'a amené, à 14 ans, sur le chantier des Sablins ... » Car encore aujourd'hui, même bardé d'études scientifiques et historiques, la véritable école des futurs archéologues demeure le terrain...