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Il y a 8000 ans, les Egyptiens subissaient un réchauffement climatique

 

Il y a 8000 ans, les Egyptiens subissaient un réchauffement climatique

Nina Hubinet 

Source : http://www.rfi.fr/science/20101005-il-y-8000-ans-egyptiens-subissaient-rechauffement-climatique

 

Un colloque de géo-archéologie a été organisé au Caire en septembre 2010. Grâce à cette nouvelle approche scientifique, qui associe plusieurs disciplines, les chercheurs peuvent désormais comprendre comment les hommes ont influencé leur environnement et comment ils se sont adaptés aux précédents changements climatiques.

Le Sahara égyptien n’a pas toujours été un désert : entre 8500 et 6000 avant notre ère, l’étendue sableuse était parsemée de savanes, qui permettaient à des populations d’éleveurs de subsister. Mais à partir du sixième millénaire avant notre ère, l’eau se fait plus rare. « Cette aridification progressive semble avoir été un phénomène naturel, mais il est aussi probable que les hommes aient perturbé leur environnement en multipliant les pâturages », observe Béatrix Midant-Reynes, égyptologue, spécialiste de la préhistoire égyptienne et directrice de l’Institut français d’archéologie orientale (Ifao).

 

L'occupation humaine du Sahara occidental en fonction du climat à l'holocène (article «Climate-Controlled Holocene Occupation in the Sahara : Motor of Africa’s Evolution», Rudolph Kuper)

Courtesy of Science/Aaas

Toujours est-il que la désertification oblige ces pasteurs à se replier sur la vallée du Nil. « Ils ont du vivre ensemble sur des terres beaucoup plus restreintes : ces conditions ont contribué à l’émergence de l’Etat et donc à l’apparition de la civilisation pharaonique. »
Examiner ces interactions entre l’homme et le paysage, tel est l’objectif de la géoarchéologie, qui a fait l’objet d’un colloque organisé par l’Ifao, le CNRS et le Conseil suprême des Antiquités égyptien le mois dernier au Caire. Plus qu’une nouvelle science, il s’agit d’une approche pluri-disciplinaire, mêlant géographie, géologie, paléobotanie, archéologie, médecine...

 « L’utilisation de l’ADN ancien est l’une des révolutions en archéologie depuis vingt ans : grâce à ces prélèvements d’ADN sur des squelettes vieux de plusieurs millénaires, on a par exemple pu identifier l’origine de la tuberculose lors de fouilles sur le site pré-dynastique d’Adaïma, dans le sud de l’Egypte. La maladie sera d’abord apparue chez les bovins, qui l’auraient ensuite transmise à l’homme », souligne Béatrix Midant-Reynes.

Les études de géoarchéologie permettent aussi de trancher de vieux débats. Certains archéologues et égyptologues pensaient que les temples de Karnak, à Louxor, avaient été construits sur une île au milieu du Nil. Avec la crue annuelle du fleuve, cette hypothèse paraissait peu logique. « Nous avons prélevé des sédiments sur les rives et dans le lit du fleuve, puis nous avons utilisé le carbone 14 pour les dater et reconstituer l’histoire du fleuve », explique Matthieu Ghilardi, géographe et géomorphologue rattaché au CNRS (laboratoire du CEREGE, Aix-en-Provence) et co-organisateur du colloque. « Nous avons alors découvert que le Nil passait plus à l’Est il y a 3500 ans. Du coup les temples de Karnak étaient plus proches de l’eau qu’aujourd’hui, mais ils ont bien été construits sur la rive orientale du fleuve, et pas sur une île. »

La géo-archéologie au service de la compréhension du futur ...

Autre région d’Egypte que la géoarchéologie aide à comprendre : le Delta du Nil. « Lors de certaines périodes très humides, le Delta était complètement inondé. Les populations qui y vivaient se réfugiaient sur des buttes sableuses », explique Yann Tristant, archéologue à l’Ifao et co-organisateur du colloque. « Les études géomorphologiques et géophysiques permettent de retrouver l’emplacement de ces buttes, qui deviennent souvent des lieux de fouilles riches en enseignements pour les archéologues. »

La géoarchéologie peut aussi se tourner vers le futur : les études sur l’évolution de la morphologie du Delta et du littoral méditerranéen aident à prévoir leur comportement dans les décennies à venir. Elles peuvent ainsi aider les autorités à préparer une stratégie pour évacuer les habitants du Delta dont les terres risquent d’être inondées, sous l’effet du réchauffement climatique.

 

Evolution du littoral de Pella, l'ancienne capitale du royaume d'Alexandre le Grand, en Grèce. Les études géoarchéologiques ont montré que la ville n'était pas située au bord de la mer à l'époque hellénistique.

Matthieu Ghilardi/Cnrs/Cerege