Guipavas (France) - Lavallot Nord : 5 000 ans d'Histoire sous nos pieds

Les fouilles d’archéologie préventive, dans une partie du futur parc d’activités de Lavallot Nord, touchent à leur fin. Des découvertes étonnantes y ont été mises au jour.

Pierre Gicquel

Source - http://www.cotebrest.fr/2016/05/18/lavallot-nord-5-000-ans-d-histoire-sous-nos-pieds/

Lavallot2Avant de céder la place aux engins de terrassement dans la future zone d’activités de Lavallot Nord à Guipavas, les archéologues de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) ont mis les derniers coups de pinceaux sur les vestiges mis à jour au cours de quatre mois de fouilles.

Des fouilles qui ont été riches en découvertes. Des traces d’occupation très anciennes ont ainsi été trouvées : « Un ensemble de fours à pierres chauffées par exemple, annonce Bastien Simier, archéologue. Ce qui indiquerait une occupation dès 3 000 ans avant notre ère. D’autres indices, plus ténus, datent de l’Âge du Bronze, entre 2 000 et 900 ans avant notre ère. » Plus tard, deux fermes gallo-romaines s’installèrent sur le site entre le Ier et le IIIe siècle après J.-C., dont une se trouvait sous le futur site de l’entreprise Le Saint !

Vers le VIIe siècle, une nouvelle installation témoignerait de l’arrivée des Bretons en Armorique. « Des trous de poteaux qui supportaient un bâtiment gallo-romain de 30 à 40 m2 avec un étage ont été trouvés. Il y avait trois bâtiments en tout. C’est le premier site aussi bien conservé retrouvé en Bretagne ! », se réjouit Bastien Simier. Des restes de métal fondu et une enclume confirmeraient même l’hypothèse d’une zone d’activités agricole et artisanale… 1 500 ans avant la future zone industrielle !

La découverte la plus impressionnante reste une nécropole de 250 tombes à quelques centaines de mètres des fermes, au bout du “chemin des Morts” : « La toponymie avait gardé la mémoire d’un lieu disparu. Il faudra poursuivre les recherches dans les archives pour tenter d’en savoir plus sur ce cimetière. » La nécropole chrétienne daterait du Haut Moyen-Âge. « La datation des prélèvements au carbone 14 le précisera. » Car aucune trace de cercueil et donc de corps ne le permet aujourd’hui. Dans tous les cas, c’est déjà une découverte exceptionnelle : « C’est à ma connaissance la première fouille qui révèle un hameau et une nécropole en Bretagne ! »

Enfin, des douilles de balles, des bouteilles et une boîte de masque à gaz témoignent du passé récent du site, sur la ligne de front entre les Allemands et les Alliés lors de la Libération de Brest. Ironie de l’Histoire, ces vestiges émouvants ont été retrouvés dans des trous d’hommes creusés à quelques centimètres des vestiges millénaires.

Une conférence publique devrait être présentée à l’automne, après la remise du bilan officiel des fouilles.

Néolithique

« On a retrouvé un ensemble de four à pierres chauffées ou fours polynésiens où l’on brûlait des pierres afin qu’elles restituent ensuite la chaleur, pour se chauffer ou pour cuire des aliments, mais pas de bâtiment autour. Ceci dit, ces pierres ainsi que des éclats de silex et des tessons de céramiques attestent d’une occupation humaine vers la fin du Néolithique, soit 3 000 ans avant notre ère. Quelques indices datant de l’Âge du bronze sont plus ténus. » En effet, les vestiges d’un grenier à grains et d’une maison circulaire, grâce aux empreintes laissées par les poteaux de bois constituant autrefois son ossature, indiquent que le site a également été partiellement occupé à l’Âge du bronze (entre 2000 et 900 ans avant notre ère).

Deux fermes gallo-romaines

La vie semble reprendre son cours à Lavallot pendant l’Antiquité : « L’époque romaine a quant à elle laissé plus d’indices (en rouge sur le plan) avec une première ferme sur la partie nord entourée des parcelles cloisonnées (qui acceuillera l’entreprise Le Saint)et un chemin qui rejoint une autre ferme, 300 mètres plus loin, plus grande qui daterait du Ier au IIIème siècle ap. JC. » Là encore, ce sont les empreintes des poteaux de bois qui trahissent la présences de plusieurs bâtiments (maisons et greniers). Ces deux établissements sont ensuite abandonnés, sans doute au Haut Moyen-Âge, bien que l’une des fermes sera de nouveau occupée plus tard.

Arrivée bretonne ?

« Nous décelons aussi une réoccupation du site vers le VIIème et le Xème siècle, ce qui correspondrait à l’arrivée des Bretons en Armorique ». Mais cette fois la construction est différente : on retrouve la trace de creux circulaires sur un plan allongé avec une extrémité en abside: « Des trous pour des poteaux qui supportait un bâtiment gallo-romain de 30 à 40 m² avec un étage. Il y avait même trois bâtiments en tout. C’est le premier site aussi bien conservé retrouvé en Bretagne. » se réjouit Bastien Simier. Ce hameau, constitué d’autres bâtiments allant jusqu’à 50 m² laisse à penser à un ensemble inédit pour la région, de par son envergure et l’état de conservation exceptionnel de ses vestiges. « Sur ce site du Haut Moyen-Âge, nous avons retrouvé des restes issus de la transformation du métal. Était-ce un hameau de forgerons ? » Une enclume toujours en place, également découverte, confirmerait l’hypothèse d’une zone d’activité agricole et artisanale… 1 500 ans avant la future ZAC !

Moyen-Âge

L’occupation semble s’être arrêtée au Xème siècle, abandonnée pour un autre bâtiment qui lui, sera occupé jusqu’au XIVème siècle, près du ruisseau qui traverse la zone de Lavallot Nord. Mais impossible de savoir précisément pourquoi. Simple déplacement ? Arrivée d’un nouveau groupe ? « Il faut accepter une part de mystère »accepte Michel-Alain Baillieu. Toujours est-il que cette occupation dense donnera naissance aux hameaux du Scraign et de Créac’h Burgy autour du XIVème siècle, toujours habités aujourd’hui. « C’est reconnaissable à la forme circulaire du hameau, typique de cette période », précise Bastien Simier.

Le chemin aux morts

Quelques dizaines de mètres plus loin, en suivant un sentier appelé « Chemin aux morts », Bastien Simier nous guide vers un terrain rocailleux: « Nous y avons découvert, à ma connaissance, la plus vaste nécropole de la région. 250 tombes y ont été découvertes ! C’est à ma connaissance la première fouille qui révèle un hameau et une nécropole en Bretagne ! »

LavallotLe "chemin aux Morts" conduisait jadis à une nécropole oubliée de 250 tombes.

Hélas l’acidité du sol en Bretagne effaçant toute trace de corps en une centaine d’années, en absence de cercueil ou de dépôt funéraire, il est impossible de dater précisément ce cimetière. « Soit cette nécropole était liée à ce hameau disparu, soit liée au Scraign, hameau voisin ». Reste à savoir sur combien de siècles l’on y a enterré les morts. « Le fait de trouver des tombes orientées, indique une nécropole chrétienne du Haut Moyen-Âge. On le sait car à l’époque romaine, on incinérait les défunts. Un trou pouvant laisser penser à l’installation d’une croix confirmerait cette hypothèse ajoute Michel-Alain Baillieu. Comme il s’agit de tombes sans cercueil, ni dépôt funéraire, contrairement à ce que l’on retrouve à la même époque en Normandie, nous attendrons les résultats de la datation au carbone 14 des prélèvements pour ». Le site, émouvant, présente notamment des tombes de petite taille, adaptés à des enfants en bas âge. Six autre tombes, regroupées, seraient peut-être celles d’une famille.

Ligne de front

Enfin, en lieu et place de la ferme gallo-romaine, des objets beaucoup plus récents rappellent une période de l’Histoire plus mouvementée: «Une boîte à masque à gaz, des douilles de balle, des bouteilles d’alcool, des conserves, des boucles de ceinture et un pied de mitrailleuse » cet inventaire à la Prévert fait par Julie Cavanillas, qui a participé aux fouilles pour l’Inrap est celui d’objets trouvés dans des trous d’hommes creusés par les soldats allemands, retranchés le long des haies bocagères, disparues lors du remembrement.

Pas de doute, le site plurimillénaire s’est retrouvé sur la ligne de front lors des batailles pour la Libération de Brest en 1944 ! Plus précisément lors de la prise de l’aérodrome de Guipavas par les Alliés. De nombreux impacts d’obus retrouvés sur l’ensemble du site témoignent de la violence des combats d’alors.

Rendez-vous cet automne

« Ces fouilles ne sont que le début du travail. Nous rendrons un rapport dans 80 jours mais c’est aussi le début d’un travail de vérification dans les archives, qui nous permettent de remonter jusqu’au XIIIème siècle » conclue Bastien Simier.

Pour les férus d’Histoire ou les simples curieux, une conférence publique, menée par l’Inrap à l’invitation de Bma, devrait avoir lieu en automne.

En attendant, les archéologues continueront de fouiller plus loin : « Nous poursuivrons sur deux nouveaux sites de recherches préventives à Ergué-Guabéric et dans la zone de Kerlic à Quimper », annonce Michel-Alain Bailllieu qui, même si ces traces du passé sont vouées à disparaître sous les futurs entreprises, est reconnaissant : « L’idée étant de trouver un compromis pour ne pas bloquer l’aménagement du territoire, il faut reconnaître le bien fondé de l’aménagement du territoire sans qui nous ne pourrions pas découvrir ces sites.  »