Fanum Martis (France): Les vestiges du quartier occidental

INRAP

Source - https://www.inrap.fr/les-dernieres-etudes-des-vestiges-du-quartier-occidental-de-fanum-martis-nord-17088

UNE AGGLOMÉRATION ÉTUDIÉE PAR L’INRAP DEPUIS LE DÉBUT DES ANNÉES 2000

Située à la limite occidentale de la cité (civitas) des Nerviens, à environ 20 km de la capitale du Haut-Empire (Bavay) et de celle du Bas-Empire (Cambrai), Fanum Martis (« temple de Mars »), devient une localité nervienne importante au cours de la période gallo-romaine, au IIe siècle. Elle est située sur une voie reliant Cambrai à Pommeroeul, le long de la Rhonelle. Sa superficie est estimée à plus de 150 hectares. Ses limites orientale, occidentale et septentrionale sont connues, mais son extension vers le sud est toujours imprécise.

Bien que préfecture des Lètes nerviens au Bas-Empire, comme indiqué dans la Notice des Dignités (Noticia dignitatum), le rôle de cette ville au cours du Haut-Empire est méconnu et se révèle au fur et à mesure des opérations. Fanum Martis était un centre commercial important qui a diffusé ses produits dans tout le nord de la Gaule privilégiant une relation particulière avec le limes (ligne de frontière), ou tout du moins avec les régions de l’Est.
Depuis presque vingt ans, l’Inrap mène des diagnostics et des fouilles dans l’agglomération antique. Au début des opérations, la superficie de celle-ci était estimée à 40 ha, réévaluée à 200 ha aujourd’hui, sans compter les nécropoles périphériques du Haut-Empire dont l’emplacement est seulement supposé.

Icono image 5585Vue générale du site de Fanum Martis, Famars (Nord), 2008. Située entre les voies Bavay-Cambrai et Bavay-Tournai, à la frontière des territoires nervien et atrébate, la ville antique de Famars est une cité de Gaule Belgique et un important camp militaire romain. La superficie fouillée est de 4,2 ha soit 5 % de la surface estimée de la cité. © David Labarre, Inrap

DES ACTIVITÉS ARTISANALES SPÉCIFIQUES

Comme dans de nombreuses agglomérations, les activités artisanales sont importantes pour pourvoir à la vie quotidienne des habitants, mais certaines, dont les produits se diffusent dans l’ensemble de la Gaule du nord, occupent une place plus conséquente. Ainsi, l’absence de jambons dans les dépotoirs montre que ceux-ci n’étaient pas consommés sur place, mais destinés à l’exportation. Inversement, l'absence de pattes et de têtes de poulets indique une importation et qu’aucun élevage n’était pratiqué sur place.

Peson plombPeson de balance en plomb représentant un Horus. © S. Lancelot, Inrap 

Les fouilles ont permis d’identifier une zone de tannerie, une bourrellerie/cordonnerie, et l’atelier d’un glutinarius (fabricant de colle d'os). L’utilisation de l’os de bœuf pour la fabrication de colle par extraction du collagène s’avère être une activité importante sur ce site du IIIe au début du IVe siècle. La quantité de rejets du glutinarius est estimée à environ 20 tonnes, ce qui prouve que l’activité couvrait des besoins très supérieurs à ceux de la cité. Deux bâtiments sur poteaux avaient été installés pour le séchage des pains de colle, à proximité de deux autres fondés en dur où devait se dérouler l’extraction de collagène. De nombreux os concassés sont trouvés dans les fosses alentour et il est très probable que ce matériau très stable ait été utilisé dans différents remblais de l’agglomération, comme c'est le cas à à Amiens et Arras.

Les différentes campagnes de fouilles ont livré 26 fours à céramique produisant majoritairement des cruches et des amphores, mais aussi des pots lustrés destinés à la présentation ou encore des vases à visages moulés. Les cruches de Fanum Martis sont connues dans toute la Gaule Belgique, en Germanie, mais aussi en Brittania et quelques exemplaires ont été découverts en Suisse et en Gaule lyonnaise. Bien que des sources d’argile soient attestées sur le site, les potiers ont préféré  continuer à employer une argile dont ils se servaient déjà à Bavay. Parallèlement aux cruches, sont également façonnées des amphores dont le contenu nous échappe et nécessite une recherche puisque la totalité de la production est exportée. Le travail des céréales est bien confirmé, possiblement dans le cadre d'une fabrication de boisson (?).

PLUSIEURS ÉDIFICES DÉDIÉS À APOLLON CITHARÈDE ET DE NOUVEAUX VESTIGES RELIGIEUX

Des éléments en haut-relief appartenant à une mégalographie représentant Apollon (à gauche) et un satyre (à droite) ont été découverts lors de la dernière fouille menée sur le Technopôle Transalley à Famars.
Apollon est reconnaissable à sa couronne de laurier et le satyre à ses oreilles pointues. Ces têtes sont fabriquées en calcaire des premiers plateaux du Cambrésis, peut-être Douchy-les-Mines, carrière la plus proche. Comme la plupart des débris des édifices détruits, ils ont fini par rejoindre les fours à chaux voisins, en vue de l'édification ultérieure du castellum (vers 320) qui a nécessité énormément de matériaux de réemploi.

Icono image 12636Têtes de satyre et d'Apollon jetées dans une cave et destinées à être calcinées dans des fours à chaux. Elles proviennent d'un temple ou d'un mausolée dédié à Apollon Citharède. © Stéphane Lancelot, Inrap

Le style rappelle celui de la région des Trévires, mais sans en être vraiment identique. La moins bonne facture du côté gauche du visage d’Apollon, appuyé sur la paroi donc moins visible, indique qu’il regardait vers la gauche. C’est l’inverse pour le satyre, puisque son côté gauche présentant son oreille pointue est mieux réalisé que son côté droit. Le système de fixation « tenon - mortaise » qui permet de maintenir les têtes dans un support plus important est inconnu dans toute la statuaire antique. Importées ou taillées sur place, ces têtes sculptées peu communes intéressent les chercheurs et après étude seront certainement exposées au public.

Icono image 12637Détail des quatre faces de la tête de satyre présentant le mode de fixation, les factures différentes entre les parties droites et gauches du visage attestant l'appartenance de celle-ci à un ensemble sculptural en haut-relief beaucoup plus vaste. © Stéphane Lancelot, Inrap

À côté des têtes qui sont à environ à échelle ½ de la taille humaine, se trouvaient des fragments d’une autre tête d’Apollon exhibant la même coiffure ondulante ainsi que la même couronne. La taille de celle-ci équivaut à approximativement trois fois celle d’un humain. Elle était accompagnée d’un morceau de lance de décoration en bronze au vu de sa composition ainsi que du tranchant de ses côtés.

Ces évocations se rapportent à l'épisode du duel musical entre Marsyas (ou Pan) et Apollon, jugé par Midas. Celui-ci ayant désigné Marsyas vainqueur se voit affublé par le dieu vexé des oreilles d’âne. Cette thématique mythologique est aussi représentée  à Fanum Martis, sur le site de la Rhonelle où ont été retrouvés des éléments en marbre de la lyre d’Apollon à côté du temple octogonal, ainsi que dans des peintures découvertes dans les bâtiments proches.
Les fragments en calcaire ne provenant vraisemblablement pas du secteur de la Rhonelle où les matériaux sont différents (marbre et pierre bleue), il est possible d’envisager la présence d’un mausolée ou un second temple rappelant les mêmes divinités à proximité du Technopôle.

UNE MATÉRIALITÉ RELIGIEUSE

Au cours des cinq campagnes de fouille dans ce secteur, plusieurs fosses à caractère cultuel ont été mises au jour. Leur comblement comprenait des rejets particuliers de faune (animaux sauvages ou chien) ainsi que des vases mutilés.
Un des dépôts était d’autant plus remarquable qu’en plus des poteries placées sur le col et des morceaux de lièvres et de poissons, elle recelait deux cruches qui contenaient de petits cailloux introduits avant cuisson. Ceci confirme l’existence d’une production spéciale destinée au culte ou tout du moins à une commande spécifique, hypothèse confortée par la fabrication de vases à visages, dont la fabrication est entérinée par la présence de moules.
De nombreuses intailles (pierres dures et fines gravées) présentant des divinités ( (Mars, dieux lares…), de même que les évocations de Mercure ou les rouelles de plomb rappelant Jupiter-Taranis, témoignent de liens étroits entre les habitants et les dieux.

Capture 11

CINQ CAMPAGNES DE FOUILLES ET TOUJOURS DES QUESTIONS

L’importante surface explorée de Fanum Martis (plus de 20 % de de l’agglomération) appelle des analyses portant sur son organisation, sur l’évolution des activités qui y sont pratiquées, sur sa place dans le nord de la Gaule. Grâce aux énormes quantités de mobilier identifié, elles aboutissent à la mise en évidence de relations commerciales inconnues jusqu’alors.

Les fouilles ont montré qu’habitat et artisanat étaient étroitement liés et qu’aucun d’eux n’était pérenne à l’occupation du site. Elles ont également confirmé que ville et campagne étaient étroitement connectées et interdépendantes. Les activités artisanales reconnues indiquent une variété de métiers, d’autres restent à identifier par des analyses chimiques plus poussées. La diversité des produits à disposition ainsi que la localisation stratégique, ont amené les militaires à établir leur préfecture dans la ville, dès le début du IVe siècle.

Icono image 5579Un des quatre fours à chaux du IVe s. mis au jour à Famars (Nord), 2008. Dans ce type de four, on a cuit des matériaux calcaires (craie, marbre, "pierre bleue de Tournai") pour produire la chaux nécessaire à la construction du castrum aux alentours des années 320. © Laurent Petit, Inrap

Bien que les archéologues aient pu étudier de grandes surfaces sur ce site, aucune nécropole n’a encore été explorée. Inconnues, elles sont vraisemblablement intactes puisqu’il n’en est fait mention dans aucune notice du XIXe ou du XXe siècle, hormis celle détruite au XIXe siècle dans les carrières de grès à l’ouest.

Un centre urbain d’une telle ampleur bénéficiait certainement d’édifices publics importants en plus des thermes, du théâtre et d’un temple. Où, par exemple, était installée l’administration ? Fanum Martis n’a pas révélé la totalité de ses vestiges archéologiques et les opérations futures permettront sans doute d’apporter de nouvelles réponses.

Developpe visagesDéveloppé d'un vase à visages (IIIe siècle) ©  Inrap, SAV