Deux Sherlock Holmes de l'Art Roman sur une piste

 

Deux Sherlock Holmes de l’Art Roman sur une piste  

Deux spécialistes russes du musée de l'Ermitage ont établi leur base à Angoulême. Ils veulent démontrer que nos bâtisseurs d'églises sont allés jusqu'en Russie.    

 

Source : http://www.sudouest.fr/2010/11/02/deux-sherlock-holmes-de-l-art-roman-sur-une-piste-227878-813.php

 

Ils cherchent des preuves. Et, comme Sherlock Holmes, s'attardent sur le moindre détail concret qui va appuyer leur raisonnement scientifique, photographiant à tout-va. Deux chercheurs russes du musée de l'Ermitage, à Saint-Pétersbourg (l'équivalent du Louvre), se sont établis pour un mois à Angoulême.

Depuis ce camp de base, ils parcourent la Saintonge et l'Angoumois, scrutant une moyenne de sept églises romanes par jour. Sur leur carnet de chasse, il y a Talmont et Vaux-sur-mer. Ils s'apprêtaient, la semaine dernière, à passer au peigne fin Fléac et Trois-Palis.

Dans la région, ils recherchent des correspondances architecturales entre nos églises romanes et l'église Saint-Démétrios, datée du XIIe, située dans la ville russe de Vladimir, en Russie centrale. Vladimir, avec Souzdal, du XIIe au XIVe siècle fut une principauté importante et riche, jouant le rôle de « capitale ».

La Russie, rappelons-le, a « importé » de Byzance, vers le Xe siècle, sa religion, l'orthodoxie, et, en même temps, les plans de construction de ses églises, leur décoration, les icônes, etc.

Regard vers l'Ouest

« Dès le moment où, en Russie, l'architecture des églises russes a commencé à être étudiée, au XIXe siècle, tous ont regardé dans une seule direction, vers l'Est et vers Byzance », explique Oleg Ioannissian, chef du département de l'archéologie du bâti au musée de Saint-Pétersbourg.

Lui et son collègue Peter Zykov, du département d'histoire et de restauration des monuments architecturaux, sont des spécialistes de l'architecture russe des Xe-XIIIe siècle. S'ils s'intéressent bien entendu à Byzance, ils étudient aussi les liens entre l'architecture de la Russie ancienne et celle des autres pays chrétiens.

Et Saint-Démétrios, l'église de Vladimir, est truffée de petits détails terriblement romans et inhabituels en Russie : des façades parsemées de sculptures de pierre, un bestiaire fantastique… Tout sur sa pierre « clame » ses liens avec le monde roman de l'Europe occidentale. Oui, mais lequel précisément ? Personne n'avait cherché à répondre à cette question.

« Près de la vérité »

Oleg Ioannissian et Peter Zykov sont en train de démontrer que des compagnons bâtisseurs sont venus de notre région, Saintonge et / ou Angoumois. « Avec une très forte probabilité », souligne Oleg Ioannissian. « Nous sommes prêts de la vérité », ajoute Peter Zykov.

Il précise que cinq à six autres monuments de la région de Vladimir-Souzdal révèlent des liens avec le monde roman occidental. Cela pourrait signifier « des contacts permanents, des allers et retours ».

En bons scientifiques, les deux chercheurs ne diront pas un « oui » définitif avant d'avoir exploité toutes ces photos de détails architecturaux, tout ce matériau brut qu'ils ramassent en ce moment. Mais on l'a compris. Ils sont sur la bonne piste. La difficulté réside dans la richesse de notre région en art roman.

C'est leur deuxième séjour, le premier s'est déroulé en 2004. Ils considèrent qu'il leur faudra sans doute encore deux séjours pour pouvoir parler de certitude.

Reste une question : pourquoi ces liens entre ces deux régions si éloignées ? « C'est une autre question. Purement historique. On s'en occupera plus tard », glisse Oleg Ioannissian. D'abord, il faut démontrer, comme Sherlock Holmes, dont l'un des meilleurs interprètes, l'acteur Vassili Livanov, est… russe.