Des anneaux pour les seigneurs !

Des anneaux pour les seigneurs !

Marise Kassab

Source - http://www.lorientlejour.com/category/Ici+et+Ailleurs/article/750134/Des_anneaux_pour_les_seigneurs_!.html

750134-3343032095.jpegOBJETS ET HISTOIRE

Les bagues sont utilisées dès la plus haute Antiquité, mais pas toujours pour des raisons esthétiques.
En effet, l’histoire de la bague n’a pas toujours été aussi gaie si l’on se réfère à la bague dite « à poison ». Cette bague, avec une cavité et parfois une aiguille, a été conçue spécialement pour recueillir du poison utilisé pour assouvir quelque mauvais dessein, tel César Borgia, fils du pape Alexandre VI, qui utilisa une bague à aiguillon à de multiples reprises, ou pour mettre terme à sa vie en cas de défaite (Démosthène, Hannibal...) À une période plus récente, les bagues à poison furent largement utilisées par les services secrets. On en trouva de nombreuses au domicile de la célèbre espionne Mata Hari. Il semble qu’elle ne les utilisait pas pour les remplir de poison, mais d’aphrodisiaque, cherchant à rendre fous d’amour ses conquêtes et ainsi leur faire avouer les secrets militaires qu’ils détenaient.

À cela s’ajoute l’histoire de la bague « atlante » qui, même si on lui attribue des pouvoirs extraordinaires, est émaillée par une série de disparitions mystérieuses et tragiques. C’est en 1860 dans la Vallée des Rois – en Égypte – qu’elle fut mise au jour, suite aux fouilles du marquis d’Agrain. Mais c’est en 1922 que prend racine sa popularité. Suite à des fouilles qui duraient depuis plus de sept ans, le 25 novembre de cette même année, Lord Carnarvon et l’égyptologue Howard Carter, désormais propriétaire de la bague, firent la plus importante découverte archéologique de tous les temps : la tombe de Toutankhamon. Tous ceux qui s’étaient mêlés aux fouilles moururent d’une mort mystérieuse. Le seul qui échappa à la malédiction fut Howard Carter, qui mena les fouilles du début jusqu’à la fin et fut le premier à entrer dans le tombeau, et à voir la momie. Il mourut 17 ans plus tard, à 66 ans, de sa belle mort. Durant ces 17 années où il survécut, il répondait à ceux qui lui demandaient comment il avait échappé à la malédiction : « Je possède un talisman qui me protège. » Ce n’est qu’après sa mort qu’on découvrit la bague « atlante ».
Une autre bague célèbre est la « bague de Fersen » : si l’histoire ne recèle aucune preuve de l’adultère de Marie-Antoinette avec le comte de Fersen, les historiens, s’appuyant sur leur correspondance, s’accordent sur la véracité de leurs sentiments amoureux. Ils alimentent malgré eux la rumeur qui vient aux oreilles de Louis XVI. Ce qui n’empêche pas le monarque d’adouber le militaire suédois, à son retour de la guerre d’indépendance américaine, du grade de colonel. C’est cette même intégrité, affranchie de tout sentiment de jalousie, qui le pousse le soir du 21 juin 1791 à récompenser le comte de Fersen de sa vaillante fidélité. La révolution gronde aux portes des Tuileries, où la famille royale vit sous surveillance depuis que les émeutiers les y ont conduits en octobre 1789. Fersen échafaude un plan d’évasion qui doit conduire les fugitifs royaux auprès du comte de Provence, frère du roi, à Mons. Déguisé en cocher, le comte conduit la berline dans laquelle siègent les pseudodomestiques de la baronne de Korff et les dépose au premier relais à Bondy. Alors que l’on renouvelle l’attelage, le zélé Fersen demande à escorter le convoi jusqu’à Montmédy où ils doivent retrouver les troupes de Bouillé. Louis XVI refuse et lui remet en signe de gratitude la précieuse intaille en grenat, estampillée d’une Diane chasseresse, qu’il porte à l’annulaire. Loyal jusqu’au bout, le comte de Fersen ne se sépare du bijou qu’en 1794 au profit du duc de Brunswick, commandant de l’armée autrichienne et allemande censé écraser la Révolution française, finalement vaincu à Valmy en 1792.
L’espoir commun des deux hommes était de restituer la bague royale à l’orphelin du temple (Louis XVII), dont la disparition en 1795 fait courir les plus folles rumeurs. De fait, Fersen et Brunswick meurent sans pouvoir concrétiser leur ambitieux projet. Il faut attendre un énième rebondissement avec l’apparition de Charles-Guillaume Naundorff, qui prétend être Louis XVII, pour que la bague échoit à de nouvelles mains. Convaincus d’avoir affaire au véritable Dauphin de France, les héritiers de Brunswick lui confient l’intaille de grenat. Toutefois, Naundorff décède en 1845 sans avoir pu faire attester ses dires. Ses descendants engagent en 1850 l’avocat Jules Favre pour poursuivre l’affaire en justice. Bien qu’ayant perdu le procès, la famille Naundorff, reconnaissante, lui offre la fameuse bague. En 1870, Jules Favre devient ministre des Affaires étrangères. Le 26 janvier 1871, tandis qu’il s’apprête à signer l’armistice franco-allemand avec le chancelier Bismarck, il découvre qu’il a oublié de s’armer des sceaux de France. C’est Bismarck qui l’invite alors à se servir de la bague comme sceau officiel... le précieux grenat est ainsi enfoncé dans la cire chaude pour sceller l’accord.
Depuis lors, nulle trace du bijou. Si les archives du ministère des Affaires étrangères détiennent bien un dossier sur l’écarlate intaille, cette dernière a été remplacée par une imitation gravée à l’effigie de la déesse guerrière Bellone. D’aucuns prétendent que la fameuse « bague de Fersen » aurait été vendue aux enchères et acquise par une princesse chez Christie’s... Une princesse à la recherche de son « fârès » parmi pleins de Fersen vaillants !

Sources principales :
pouvoirdespierres.fr
suite101.com
monde-medieval.com
« La bague » (Sylvie Lambert)