Jean Talabot / AFP agence
Source - http://www.lefigaro.fr/culture/2018/06/25/03004-20180625ARTFIG00101-animaux-lunaires-et-sacrifice-d-enfant-nouvelles-decouvertes-de-l-empire-chim-au-perou.php#xtor=AL-201
La cité antique de Chan Chan, capitale datant de l'ère précolombienne, révèle de nouveaux pans de son passé extraordinaire à travers des bas-reliefs exceptionnels. Mais les vestiges de la capitale, bâtie principalement en terre cuite, sont aujourd'hui menacés par les intempéries.
Au Pérou, l'antique Chan Chan n'a pas fini de révéler ses secrets. Des bas-reliefs, vieux d'un millénaire, viennent d'être mis au jour dans cette gigantesque cité d'adobe (de briques) datant de l'ère précolombienne. Capitale de la civilisation Chimú, qui a connu son apogée entre l'an 900 et 1450, Chan Chan comptait dix palais en terre cuite répartis sur 20 kilomètres carrés et 30.000 habitants.
Aujourd'hui, il ne reste que 14 kilomètres carrés de vestiges et les constructions sont menacées par les intempéries, l'installation d'agriculteurs sur son site ou encore les pillages récurrents. Et pourtant, «Chan Chan est incroyable, sous chaque monticule de terre il y a une nouvelle découverte qui nous surprend», a souligné récemment la ministre péruvienne de la Culture Patricia Balbuena en se rendant sur place pour observer de près la dernière trouvaille: un couloir recouvert de bas-reliefs jusque-là enterré.
Ce couloir se trouvait à Utzh An, aussi appelé Grand Chimú, l'un des dix palais de la cité de Chan Chan, située à près de 600 kilomètres au nord de Lima. «La récente découverte nous prouve l'ampleur de notre patrimoine culturel et à quel point il nous reste encore beaucoup à trouver dans cette citadelle de terre», a salué la ministre.
L'accès au couloir est orné de représentations de l'«animal lunaire», symbole mythique de plusieurs cultures précolombiennes du Pérou HO/AFP
Le culte de l'animal lunaire
Les vestiges montrent notamment des damiers et des vagues en relief. L'accès au couloir est lui orné de représentations de l'«animal lunaire», symbole mythique de plusieurs cultures précolombiennes du Pérou, explique l'archéologue Henry Gayoso, responsable de la restauration des murs du palais Utzh An.
«Le couloir a été découvert il y a deux semaines. Il a une largeur d'environ six mètres et s'étend sur 50 mètres. Nous avons déterré la moitié, 25 mètres, et on doit encore descendre de 1 mètre 50 pour arriver au plancher», précise-t-il. «Une fois [ce travail] terminé, nous saurons sa signification, même si nous croyons que c'était le couloir de passage d'un personnage principal» de la civilisation Chimú.
Sur le site travaillent actuellement 500 personnes, dont 50 archéologues, réparties en cinq projets de fouilles, indique le chef de l'unité de recherche et préservation de Chan Chan, Arturo Paredes. Jusqu'à présent, les équipes ont trouvé des peintures murales, des escaliers, des passages, des statues en bois de guerriers de 40 centimètres de hauteur, portant sur le visage un masque d'argile blanche. Les chercheurs ont également déterré des vases, des métiers à tisser et une grande quantité de spondylus, ensembles de frises avec des figures de langoustes, algues, bateaux de pêcheurs et hommes en train de nager.
Chan Chan a été classée au patrimoine de l'Humanité par l'Unesco et figure sur la liste du patrimoine de l'Humanité en danger en raison des dégâts causés par les pluies et l'eau de la mer.HO/AFP
Chimú et le plus «grand sacrifice collectif d'enfants d'Amérique»
Moins connue que celle des Incas (qui la renverseront au XVe siècle), la civilisation Chimú se dévoile au fur et à mesure des fouilles des archéologues. En avril, National Geographic a ainsi révélé la découverte, près d'une falaise donnant sur l'océan Pacifique où vivaient les Chimús, des restes de plus de 140 enfants, soit les «preuves du plus grand sacrifice collectif d'enfants d'Amérique, et probablement de l'histoire mondiale».
Les sacrifices humains étaient destinés à plaire à leurs dieux et souvent réalisés dans des huacas («sanctuaires», en langue quechua), dont une, la huaca Toledo, peut désormais se visiter à Chan Chan. «On pense que c'était un lieu de cérémonie pour les habitants», indique l'archéologue Jorge Meneses Bartra, responsable de la huaca Toledo, une pyramide tronquée de 20 mètres de haut datant des années 1350.
Chan Chan a été classée au Patrimoine de l'humanité par l'Unesco en 1986, mais aussi dans la liste du Patrimoine de l'humanité en danger. Les vestiges, dégagés par les archéologues sont en effet attaqués par les pluies, érodés par l'eau de la mer toute proche. Le champ d'exploration souffre également de l'exploitation du terrain par des agriculteurs et des éleveurs.
Il y a vingt ans, le gouvernement péruvien a commencé à déloger les habitants installés sur le site, mais certains continuent d'y vivre, se prévalant même de titres de propriété. La police péruvienne effectue désormais des rondes, de jour comme de nuit, pour protéger Chan Chan des pillards, et les autorités préparent un plan pour expulser de l'antique cité les derniers occupants.
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