L'avenir des cités lacustres suspendu à la décision de l'Unesco
Aurélie Bidaut
Source : http://www.leprogres.fr/fr/article/4301207/L-avenir-des-cites-lacustres-suspendu-a-la-decision-de-l-Unesco.html
Un an après l'arrêt des fouilles archéologiques sur place, que deviennent les cités lacustres de Chalain et Clairvaux ? L'avenir de ce patrimoine exceptionnel dépendra de leur classement au patrimoine mondial de l'humanité
Il y a un peu plus d'un an, le CNRS quittait les cités lacustres de Chalain et Clairvaux-les-Lacs. Après 40 ans consacrés aux fouilles de ces deux sites néolithiques, les archéologues Anne-Marie et Pierre Pétrequin ont quitté les lieux et se consacrent désormais au travail de réflexion et de publication.
« Il y a encore beaucoup de choses à dire sur ces quarante ans de fouilles », assure Anne-Marie Pétrequin, ingénieur de recherche à l'Université de Franche-Comté. L'ensemble des objets recueillis sur place est conservé au Centre jurassien du patrimoine dans les toutes nouvelles réserves du musée d'archéologie de Lons-le-Saunier. Ces collections attendent patiemment l'hypothétique ouverture du musée d'archéologie pour être mises en valeur. Un gâchis ? Pas du tout pour Anne-Marie Pétrequin : « Pour nous, c'était une énorme joie d'apprendre qu'elles allaient être conservées là-bas. Elles bénéficieront de conditions de conservation optimales ».
Sur place, les lieux ont été désertés par le CNRS il y a un an. Seul un dixième du potentiel de ces sites a été fouillé. Pourtant, la possibilité que les recherches reprennent est infime. « Dans l'immédiat, ce n'est pas au programme. Fouiller pour fouiller n'a aucun sens. Il faut mieux poser les bonnes problématiques avant d'y retourner. Sinon, les documents s'accumulent et la réflexion n'avance pas. Ça fait 7 000 ans que ces sites sont enfouis, ils peuvent attendre encore cent ans qu'une nouvelle problématique émerge », assure Anne-Marie Pétrequin.
Quant à leur mise en valeur, elle dépend clairement de la décision de classement au patrimoine mondial de l'Unesco qui devrait tomber à l'été 2011. Un dossier a été déposé il y a un an. Des experts sont venus sur place début octobre. Scientifiques et élus attendent beaucoup. « On ne souhaite qu'une chose : c'est que ça marche. Sinon, ça pourrait être un gros retour en arrière », confie Anne-Marie Pétrequin.
La crainte des scientifiques, c'est que les élus abandonnent tout projet de mise en valeur de ce patrimoine exceptionnel. D'autant que ces derniers avaient été extrêmement déçus : il y a une quinzaine d'années, la communauté de communes du Pays des lacs avait beaucoup investi dans la mise en place d'un projet d'envergure.
« On voulait reconstituer une cité lacustre avec cinq ou six maisons et un parcours qui retraçait l'histoire de l'agriculture du néolithique à aujourd'hui », se souvient Gérard Bailly, président de la communauté de communes. En prime, ils pensaient construire un musée. Le tout sur les sites archéologiques, en pleine zone protégée par les monuments historiques ou au niveau environnemental. Le projet a été rejeté par le tribunal administratif. « On avait travaillé dessus pendant 8 ans, on avait même obtenu quasiment l'ensemble des subventions », commente Gérard Bailly. La déception était extrême au sein de la collectivité.
Du coup, l'engouement pour ces sites est un peu retombé. Autant dire que le classement du site néolithique à l'Unesco est primordial.
« Le fait que les sites soient déjà classés aux monuments historiques favorisera la candidature, note Jean-François Piningre, le conservateur régional de l'archéologie à la Drac (direction régionale des affaires culturelles). Compte tenu de la qualité du dossier, je pense qu'on a de bonne chance ».
Repères
100 m3 d'objets recueillis sur place, lavés et répertoriés 2 300 objets constituent la collection conservée au centre jurassien du patrimoine 40 années passées par Anne-Marie et Pierre Pétrequin à fouiller le sol à Chalain et Clairvaux. Plusieurs milliers de pages rédigées : ouvrage grand public, article scientifique, rapports de fouilles, sans compter les expositions et les films. 527 sites néolithiques recensés en Franche-Comté.
On connaît tout d'eux
« La masse d'objets cumulés pendant les quarante années de fouilles de l'équipe Pétrequin à Chalain et Clairvaux-les-Lacs est tellement importante qu'elle a permis d'imaginer la façon de vivre de ces hommes à un niveau de détail très important », affirme Jean-Luc Mordefroid, conservateur au musée d'archéologie de Lons-le-Saunier.
« Des traces de caramel ont été découvertes au fond de céramiques. On a retrouvé des traces de fruits et d'autres aliments : on sait ce qu'ils mangeaient », assure le conservateur. « L'organisation du village est connue dans les moindres détails. De même, les activités des hommes et des femmes, jusqu'à leur façon de s'habiller », conclut Jean-Luc Mordefroid.