Arles - Verrerie (France) : les fouilles s'arrêtent mais le travail va continuer

La dernière campagne apporte de nouvelles connaissances sur ce site du quartier de Trinquetaille

Christophe Vial

Source - http://www.laprovence.com/article/edition-arles/4758751/verrerie-les-fouilles-sarretent-mais-le-travail-va-continuer.html

20171218 1 2 8 1 0 obj16358762 1Après les derniers travaux des archéologues, le site a été remblayé en fin de semaine.PHOTO V. FARINE

Difficile de quitter ce lieu. La fouille triennale du site de la Verrerie, à Trinquetaille (Arles), avait déjà été prolongée cet été, pour qu'une quatrième et dernière campagne soit menée, jusqu'à fin septembre. Mais, une nouvelle fois, "on a eu des surprises", confie Marie-Pierre Rothé, responsable du chantier pour le compte du musée départemental Arles antique. Finalement, c'est hier que les archéologues ont définitivement remballé leurs outils, après des fouilles encore une fois fructueuses. Si elles n'ont pas révélé de trésor de l'ampleur des enduits peints mis au jour dans la maison de la Harpiste datée du Ier siècle avant Jésus-Christ, elles ont en revanche livré une mine d'informations aux archéologues sur le quartier de Trinquetaille. Par exemple, les recherches ont permis d'établir que le puits était une réutilisation d'un ouvrage préexistant à la maison de la Harpiste, et les sondages ont confirmé un état d'occupation plus ancien que cet édifice. "La maison de la Harpiste est datée entre 60 et 40 avant notre ère, on ne sait pas encore si elle est contemporaine à la colonie ou légèrement antérieure, explique Marie-Pierre Rothé. Mais 10 ou 20 ans auparavant, on a une première installation, avec une influence italique très forte, du mobilier de facture italique. Il ne s'agit pas d'une population indigène, mais des Italiens qui sont ici avant même la création de la colonie romaine !" Pourtant, tout le monde était convaincu que ce secteur était inoccupé à cette période-là.

"C'est un renouvellement important de l'histoire de la romanisation de la ville d'Arles, il y a eu des colons sur la rive droite qui ont ensuite essaimé sur l'autre rive pour la développer !", souligne Marie-Pierre Rothé. La suite de la fouille a également permis de confirmer qu'il n'y avait pas d'autre occupation du site plus ancienne, les archéologues, grâce à la sécheresse subie cette année, ayant pu faire des sondages jusqu'au niveau naturel. Les spécialistes ont aussi engrangé quelques informations sur le monument public d'au moins 500 mètres carrés, avec des blocs de grand appareil, découvert lors des fouilles. Avec ce bâtiment, "on a une occupation d'influence grecque, même si on ne peut pas parler d'une occupation grecque, antérieure à la maison de la Harpiste, là aussi cela change notre appréhension de l'Histoire de la ville avec un quartier qui avait une importance capitale avant même la création de la colonie", insiste la responsable des fouilles.

Mais pour l'instant, les connaissances sur cette période pré-romaine restent parcellaires. Alors, pourquoi arrêter les fouilles en si bon chemin ? "Cela peut être frustrant de s'arrêter là, alors que nous avons énormément de pistes de recherche", concède Marie-Pierre Rothé. Le monument d'influence hellénistique "est très profond, si on voulait l'explorer il faudrait relancer une campagne de fouilles sur plusieurs années, car il est enchevêtré sous plusieurs niveaux d'occupation. Nous n'en avons pas les moyens, et la priorité est donc d'exploiter les données que l'on a. La fouille, ce n'est qu'une partie du travail."

Un tiers du boulot, en fait, et aujourd'hui il faut s'attaquer aux deux tiers restants. "Il sera possible d'affiner nos hypothèses même si on n'est plus sur place, la phase d'étude et de recherche nous permettra de comparer avec d'autres monuments de ce type retrouvés ailleurs", poursuit l'archéologue.

Pour le puits, l'étude paléoenvironnementale permettra de restituer, via l'examen des pollens, "l'environnement de ce site, pour savoir si on était dans un contexte urbain ou rural. L'enquête ne s'arrête pas là !"

Et visiblement, les détectives-archéologues ont de nombreuses pistes à exploiter...

La Maison de l'Aiôn se dévoile

Outre le puits et le monument public pré-romain, un troisième objectif avait été établi : parfaire les connaissances sur la maison de l'Aiôn. Une maison de la fin du IIe siècle, dans laquelle a été mise au jour la mosaïque du même nom, exposée aujourd'hui au musée bleu. "On l'a fouillé jusqu'à la rue, ce qui nous a permis de compléter le plan de cette maison dont on connaissait très peu de choses", précise l'archéologue Marie-Pierre Rothé.