Ambrussum (France) : les chercheurs relancent les fouilles

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Ambrussum 035 2Les fouilles reprennent à Ambrussum. Photo D.R
Après sept années de sommeil, les chercheurs investissent de nouveau le site d’Ambrussum, dans le Lunellois, à la limite de l’Hérault et du Gard. Explications.
Situé au contact de la plaine littorale et des premières collines calcaires, entre basse et moyenne vallée du Vidourle, l’agglomération d’Ambrussum présente trois entités distinctes.

L’oppidum occupe la colline du Devès et constitue un point stratégique dominant plaine, arrière-pays et Vidourle dès le Néolithique Final, mais surtout entre la fin du IVe s. av. J.-C. et le milieu du IIe s. ap. J.-C., période d’occupation majeure. En contre bas de la colline, au bord du Vidourle, un quartier spécialisé dans le rôle de relais sur la voie Domitienne est mis en place vers 30/25 av. J.-C. et a fonctionné jusqu’à la fin du IVe s. ou au début du Ve s. ap. J.-C. Ce dernier est en lien étroit avec le pont Ambroix, permettant le franchissement du fleuve et dont il ne reste qu’une des neuf à onze arches qui constituaient cet ouvrage d’art, troisième entité du site.

Fouilles depuis 1967

Fruit de plusieurs décennies de recherches depuis le début XXe s., mais surtout entre 1967 et 2009, sous l’impulsion et le dynamisme de Jean-Luc Fiches, Ambrussum représente un lieu privilégié pour la recherche archéologique. Sa situation à l’écart des zones d’urbanisation, les investissements humains et financiers mis en œuvre par la famille Bénédite, les différentes équipes de recherche, les centaines de bénévoles, l’État et les collectivités territoriales ont ainsi permis cette grande aventure scientifique et humaine. De surcroît, le site fait l’objet de travaux de mise en valeur depuis 2011 avec la construction d’un bâtiment muséographique et d’accueil du public, ainsi que la mise en place d’un parcours signalétique sur l’oppidum.

Dans ses dernières publications présentant le bilan de plus de quarante années de recherches, Jean-Luc Fiches évoque plusieurs thématiques d’étude pouvant être traitées dans les années à venir. Le dégagement et l’étude du centre civique présumé de l’agglomération gallo-romaine, constituent les principaux axes de recherche soulevés par Jean-Luc Fiches.

Un nouveau programme

C’est dans ce cadre qu’un nouveau programme de recherche mené par Maxime Scrinzi (chercheur associé à ASM-UMR5140) a été mis en place, avec une reprise des fouilles sur l’oppidum, propriété de la mairie de Lunel, et plus précisément aux abords de la basilique présumée.

Ces travaux de terrain ont été réalisés du 1er au 20 août dernier grâce au soutien du département de l’Hérault, du Ministère de la Culture et de la Communication (DRAC Languedoc-Roussillon/Midi-Pyrénées) et de la Communauté de Communes du Pays de Lunel. De plus, ce programme de fouille s’inscrit également dans un axe de recherche de l’équipe TeSAM (Territoires et Sociétés de l’Antiquité et du Moyen Age), au sein du laboratoire « Archéologie des Sociétés Méditerranéennes – UMR 5140 » (CNRS-Lattes) et participe d’un programme scientifique du LabEx-ARCHIMEDE – « Investissement d’Avenir » ANR-11-LABX-0032-01″ : « Exemple d’une restructuration territoriale au début de l’Empire : histoires croisées de l’oppidum et de la station routière d’Ambrussum » (V. Mathieu et M. Scrinzi dir.).

400 m2 défrichés

Dans le but de mieux comprendre l’organisation du centre civique de l’agglomération gallo-romaine, une surface de 400 m² a été défrichée et décapée au nord de la basilique et de la place pavée. Ce travail a permis de mettre en évidence un mur en pierres de délimitation de la place à l’est, dans la continuité de celui mis au jour par Jean-Luc Fiches. Il se développe en direction du nord sur 20 m de long et 1,10 m de large avant de former un angle et un retour vers l’ouest sur plus de 20 m de long, tandis qu’il se poursuit hors de la zone de fouille.

Ces puissantes structures ont pour fonction de délimiter un vaste espace lié au forum, peut-être un bâtiment monumental, mais servent également de murs de soutènement. En effet, l’important pendage sud-nord de ce secteur a contraint les aménageurs de l’époque, à réaliser ces murs afin de soutenir un important remblai constitué exclusivement de pierres calcaires, destiné à niveler l’espace ceinturé par les murs. Ce remblai a été observé à partir de deux sondages effectués à l’est et au nord de la zone de fouille et semble dater entre la fin du Ier s. av. et le début du Ier s. ap. J.-C., d’après le mobilier céramique.

Au sud, nos efforts se sont concentrés sur le dégagement de la place pavée initialement fouillée par Jean-Luc Fiches mais en grande partie recouverte par des dépôts de terre arable et de graviers destinés à sa préservation. Les dalles, pouvant atteindre plus de 2 m de long, sont disposées directement sur le substrat rocheux mais uniquement dans la continuité de la voie pavée reliant l’entrée sud de l’oppidum à la place et qui se dirige en direction du nord-ouest pour se connecter à la voie principale. Cela indique donc que seule cette partie de la place était pavée, le reste était simplement aménagé par une recharge de terre de pierres.

Fouilles à l’ouest

Les résultats de cette première année sont donc très encourageants pour la poursuite des recherches puisque un premier plan des structures peut être proposé tandis le mobilier permet de préciser une datation durant le règne d’Auguste. Cela pourrait indiquer une mise en place simultanée de la station routière sur la voie Domitienne au bord du Vidourle, ainsi que du forum, mesures qui auraient été prises par le pouvoir romain qui s’attèle à l’aménagement et à l’embellissement du réseau routier et des villes de la province de Narbonnaise. Concernant la zone qui a été ouverte cette année, une meilleure compréhension de son organisation reste un des objectifs principaux : A-t-on un remblai de pierres sur l’ensemble de la surface ? S’agit-il d’un espace complètement ouvert et quel est sa destination ? Y-a-t-il des subdivisions en différentes pièces ? Les fouilles futures apporteront des éléments de réponse. De plus, il conviendra à court terme d’étendre la fouille en direction de l’ouest dans le but de relever le plan complet du bâtiment, mais également de poursuivre le dégagement de la voie pavée et mettre au jour sa connexion avec l’artère principale.

Historique des recherches

Le pont Ambroix, dont il ne subsiste aujourd’hui qu’une seule arche au milieu du Vidourle, est au cœur du souvenir d’Ambrussum puisqu’il était encore appelé comme tel à l’époque moderne et a très tôt attiré les amateurs de l’Antiquité. Il a d’ailleurs fait l’objet d’une représentation graphique en 1625 par Anne de Rulman, avocat auprès du présidial de Nîmes qui préparait un ouvrage sur les monuments de la Narbonnaise. Il avait alors quatre arches.

Un siècle plus tard le marquis d’Aubais fit connaitre l’ouvrage aux savants de son temps et commanda un relevé des ruines pourvues de trois arches. En 1835, le pasteur Hugues de Marsillargues effectua les premières fouilles contre le rempart de l’oppidum, lui-même relevé en 1857 par la Société archéologique de Montpellier.

Il faut toutefois attendre le début du XXe siècle pour que des fouilles d’envergure soient réalisées à Ambrussum grâce à l’investissement du Dr. Marignan. Ses recherches permirent d’avoir une première approche de la chronologie de l’oppidum, puisqu’il mit en évidence du mobilier Néolithique, des maisons qu’il pensait gauloises et romaines, ainsi que les traces d’une église médiévale. Par la suite, les deux guerres mondiales ont conduit à l’arrêt des recherches jusqu’au milieu des années 1960 où les prospections de Marc Fenouillet sur l’oppidum et le quartier-bas se sont avérées fructueuses.

Plusieurs sondages

Durant l’automne 1967, Jean-Luc Fiches entreprend plusieurs sondages sur l’oppidum. Ses recherches se poursuivent jusqu’en 1978 avec le dégagement du rempart protohistorique, d’un édifice public, de plusieurs maisons gallo-romaines, ainsi que d’une voie pavée, artère principale de l’agglomération.

À partir de 1979, et jusqu’en 1985, les opérations se concentrent dans le quartier-bas avec la fouille d’une auberge. Plusieurs années d’interruption de fouilles ont été nécessaires afin de publier les résultats de ces recherches. Ces dernières redémarrèrent en 1993 et jusqu’en 2008 sans discontinuité, toujours dans le quartier-bas, avec le dégagement de plus d’un hectare de vestiges et la fouille de plusieurs auberges, d’un établissement de bain, d’une maison à cour intérieure, d’un enclos cultuel, d’une nécropole du IIIe s. av. J.-C., d’une hôtellerie dédiée à la poste impériale, ainsi que de quatre puits.

Si des sondages complémentaires ont été réalisés en 2009, les années 2009 à 2015 ont été consacrées à la publication des données issues de la fouille des puits et à la préparation de la monographie de l’hôtellerie, qu’il reste à réaliser.

La question du ou des statuts de l’agglomération au Ier s. av. J.-C. est au cœur de ce nouveau programme de recherche. Si plusieurs hypothèses sont proposées, des éléments de réponse supplémentaires pourraient être apportés par une reprise des fouilles au sein du centre public de l’oppidum. Ce dernier se présente comme un bâtiment à colonnade de 24 m de long, ouvert au nord sur une place pavée et identifié comme étant une basilique, à l’image de l’oppidum du Camp de César à Laudun (Gard). Ce type d’édifice correspondait au tribunal mais pouvait également servir de curie et accueillir la chapelle du culte impérial.

Si l’on suit l’exemple du Camp de César, un forum, ainsi que des boutiques et des bâtiments publics pourraient se développer à proximité de la basilique présumée. Découvrir si un tel centre civique existe sur l’oppidum d’Ambrussum, permettrait donc de mieux appréhender le processus de romanisation, ainsi que la place et le statut de l’oppidum au sein de la cité de Nîmes.