Les sanctuaires d’Alésia
L’existence d’un important site religieux gaulois confirmé par des fouilles récentes
Anne-Françoise Bailly
Source -http://www.bienpublic.com/cote-d-or/2012/03/02/les-sanctuaires-d-alesia
Le sanctuaire d’Apollon Moritasgus, avec son temple octogonal, sur le site d’Alésia. Photo SDR
De récentes fouilles ont permis de confirmer la fréquentation de la place forte d’Alésia, un bon siècle avant la conquête romaine.
Depuis 2008, le professeur d’archéologie romaine à l’Université de Paris I (1), Olivier de Cazanove, a repris les fouilles d’un grand lieu de culte à la périphérie est d’Alésia, à la Croix Saint-Charles. Ce sanctuaire, consacré à Apollon Moritasgus, avait été fouillé une première fois à partir de 1909 par l’archéologue Emile Espérandieu, auteur du Recueil général des bas-reliefs, statues et bustes de la gaule romaine.
« Il n’avait fouillé que partiellement ce lieu de culte et ne l’avait que très peu publié. Il a donné un aperçu très rapide de ses résultats. Il avait trouvé un temple, des offrandes à la divinité, et des ex-voto en pierre et en métal, en partie conservés au musée de l’archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye, et au musée d’Alésia… J’ai repris les fouilles avec mes collaborateurs 99 ans plus tard ! », déclare l’enseignant-chercheur.
L’objectif ? Mieux comprendre ce sanctuaire, qui s’étend pratiquement sur un hectare de superficie, comprend un temple, des bâtiments annexes, des thermes, des bassins, et un portique… Le but était de « trouver ses limites, de mieux comprendre les pratiques religieuses dans le sanctuaire, de comprendre sa durée de vie… »
Pleine période romaine
Et de souligner : « Un des résultats majeurs de nos travaux a été de mettre en évidence une phase gauloise du sanctuaire pratiquement inconnue jusqu’alors. On soupçonnait une occupation antérieure à la période romaine, à la conquête césarienne… Maintenant, on sait que ce sanctuaire remonte au deuxième siècle avant Jésus-Christ. Ainsi, ce lieu de culte nous livre les premiers témoignages d’occupation d’Alésia, de vie à Alésia. Nous y avons constaté les débuts d’une fréquentation intense à partir de 150 avant Jésus-Christ environ. Pour cette première période, le lieu de culte se présente comme un grand enclos entouré d’un fossé peu profond, rempli d’ossements d’animaux et de tessons d’amphores à vin. Ce qui veut dire qu’il y avait de grands banquets où l’on consommait de la viande et où l’on buvait du vin. Beaucoup de grands sanctuaires gaulois se présentent ainsi… »
Et de poursuivre : « A la période romaine, surtout à partir du début de notre ère, vers 40-50 après Jésus-Christ, un temple octogonal a été construit, et toute une série de canalisations et de bassins qui convoient de l’eau depuis la source… Sur ce site, la fréquentation religieuse est attestée par toutes les offrandes apportées. Elles sont en bronze, représentant des plaquettes d’yeux ; et un peu plus tard en pierre : ce sont d’une part des têtes de personnages, mais aussi des ex-voto anatomiques représentant les parties du corps. Cette fréquentation s’est poursuivie jusqu’au IV e siècle après Jésus-Christ. Ensuite tout a disparu, et il n’y a pas eu de réoccupation. »
Deuxième chantier
Un deuxième chantier, fouillé par une équipe italienne, a fonctionné en 2010-2011 au lieu-dit En Surelot, au centre d’Alésia, là où se trouvait un autre temple. « Cet emplacement était attesté par les photographies aériennes de l’archéologue aviateur René Goguey, et aussi par les prospections géophysiques que j’ai fait réaliser à partir de 2008, afin de révéler les structures sous-jacentes dans le sol, en particulier les murs, par les méthodes électriques et magnétiques […]. En juillet dernier, nous avons découvert un buste du “Dieu aux oiseaux”, représenté sous la forme d’un homme barbu avec deux oiseaux perchés sur ses épaules. Il est en cours d’étude. »
Et le professeur Olivier de Cazanove de conclure : « Ces fouilles ont permis de confirmer de façon éclatante la fréquentation de l’oppidum, de la place forte d’Alésia, un bon siècle avant la conquête romaine. Nous avons apporté de nouvelles preuves scientifiques de cette occupation précoce ! »
(1)Panthéon Sorbonne.