A travers le paysage : De la concentration labyrinthique

Source - http://www.paris-normandie.fr/article/culture-a-la-une/a-travers-le-paysage

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Mandala oublié, labyrinthe de méditation (Fig. A, ci-contre, 2013), © Shigeko Hirakawa.  Deux octogones de 12 m de diamètre, 160 m de jardinières en bois, hauteur 60 cm, peinture bleu Guimet, semis de gazon et fleurs sauvages.

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Labyrinth, (Fig. B, ci-contre,1982), © Collection Gori, Fattoria di Celle, marbre et béton, 12 X 12 X 2 m.

Symbole de quête intérieure et de passage initiatique vers une conscience supérieure, le labyrinthe a traversé les ères géographiques et les civilisations, de la préhistoire à la Renaissance. Si celui du Land Artist Robert Morris fait référence au Quattrocento en empruntant ses couleurs à celles du baptistère de Florence, c’est au Moyen-Âge et plus précisément au VIIe siècle que renvoie le labyrinthe aménagé par la Japonaise Shigeko Hirakawa au pied des terrasses du parc de l’abbaye de Jumièges. La structure octogonale de ce Mandala oublié s’inspire en effet du plan du Pavillon des rêves édifié à cette période — contemporaine de la construction de l’abbaye normande -, au sein du temple Hôryu-Ji, situé dans la ville japonaise de Nara. Le bleu choisi pour le revêtement de la structure de l’œuvre renvoie quant à lui au pigment mis au point par le chimiste Jean-Baptiste Guimet, dont le fils Émile, qui a donné son nom au célèbre musée d’arts asiatiques, a beaucoup a voyagé en Orient et au Japon, où il sauva des statuettes de Bouddha menacées par la propagande shintoïste, au tournant du XXe siècle.

Conçu comme un mandala, c’est-à-dire comme un dessin de méditation traditionnel, mis en relief, le Labyrinthe de méditation de Shigeko Hirakawa offre une variation poétique sur les méthodes d’archéologie préventive utilisées dans le périmètre des monuments historiques. Les vestiges présents dans le sol favorisant le règne végétal à sa surface, les professionnels se fondent en effet sur les reliefs de verdure pour procéder aux fouilles prospectives. Hissant à 60 centimètres du sol le ruban de gazon qui fait son œuvre, l’artiste, basée à Paris depuis 1983, improvise un hommage aux vestiges souterrains de l’abbaye, à l’image de ce puits à forte connotation spirituelle. Formé de deux octogones, en écho aux deux tours de l’abbaye voisine, le labyrinthe prend également appui sur un arbre, qu’une des deux figures maîtresses enserre et isole tout en le reliant au mandala figuré dans l’octogone qui fait son pendant. « L’abbaye de Jumièges est dominée par ses deux hautes tours octogonales. Elles sont entourées des ruines et des vestiges enterrés qui racontent son histoire. (...) C’est probablement ce qui m’a incitée à mettre en relief un monde spirituel oublié », résume Shigeko Hirakawa. Librement venu mimer en surface la respiration végétale de ruines enfouies, invisibles et en partie fantasmées, support de méditation pénétrable, esthétique et éphémère, le Mandala oublié ajoutera sa mémoire aux strates de mémoire réelles et imaginaires du parc.