Moissac (France): Découverte d’une chapelle du XIIe siècle aux abords de l’abbatiale Saint-Pierre

Découverte d’une chapelle du XIIe siècle aux abords de l’abbatiale Saint-Pierre de Moissac (Tarn-et-Garonne)

INRAP

Source - http://www.inrap.fr/archeologie-preventive/Actualites/Communiques-de-presse/p-16008-Decouverte-d-une-chapelle-du-XIIe-siecle-aux-abords-de-l-abbatiale-Saint-Pierre-de-Moissac-Tarn-et-Garonne-.htm

Les travaux d’aménagement et de mise en valeur de l’abbaye (« réhabilitation du patus de l’abbaye ») ont entraîné la découverte fortuite de caveaux et de murs. Après une prescription du service régional de l’Archéologie (Drac Midi-Pyrénées), la municipalité de Moissac a diligenté l’Institut national de recherches archéologiques (Inrap) pour une opération de sondage destinée à documenter et archiver les vestiges mis au jour. Compte tenu de leur importance, une réflexion quant à leur conservation et leur présentation au public a été engagée. 

L’abbaye Saint-Pierre de Moissac, fleuron de l’art roman
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L’abbatiale constitue l’un des plus beaux ensembles architecturaux français avec ses extraordinaires sculptures romanes, classée au titre des Monuments historiques par la liste de 1840. Fondée vraisemblablement vers le IXe siècle, l’abbaye est rattachée à la puissante abbaye de Cluny au milieu du XIe siècle et devient, dès le XIIe siècle, le plus éminent centre monastique du sud-ouest de la France. L’abbatiale Saint-Pierre constitue une halte majeure sur les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle, à mi-chemin entre le Puy-en-Velay et Saint-Jean-Pied-de-Port. 
C’est au titre des Chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle que l’ensemble abbatial Saint-Pierre de Moissac et le cloître sont classés au patrimoine mondial de l’Unesco. 

Une découverte exceptionnelle au pied de l’abbatiale

L’intervention archéologique en cours a mis au jour une chapelle du XIIe siècle dans un état de conservation exceptionnel. Les murs, conservés sur plus d’un mètre de hauteur, présentent des marques de tacherons que l’on retrouve également dans la tour-porche de l’abbaye, signes que les mêmes artisans ont œuvré pour les deux édifices. Cette chapelle se distingue par la présence de banquettes le long des murs ; elles servaient à la réunion du chapitre de l’abbatiale. Le sol se présente avec des carreaux de terre cuite originels, sous un sol apparent, daté du XIIIe siècle, qui est décoré. Les traces d’usure des carreaux et des ouvertures, permettant d’accéder à d’autres niveaux, nous renseignent sur les espaces de circulation au sein de cet édifice. 

670x510-6998-vignette-moissac9.jpg Un niveau de destruction qui recouvre l’ensemble livre des éléments architecturaux qui nous permettent de nous rendre compte de l’aspect de cette chapelle et/ou de son environnement immédiat. Certains s’avèrent très importants pour l’histoire de l’art, selon l’expertise de Quitterie Cazes (Maître de conférence d’Histoire de l’art à l’Université de Toulouse-Le Mirail) ; des décors sculptés dans le marbre peuvent être en effet mis en rapport avec des éléments de décoration actuellement visibles dans le cloître. 

670x510-6994-vignette-moissac4.jpg Selon sa position, à l’est du cloître, à proximité de la salle capitulaire et dans l’environnement du jardin aux herbes médicinales de l’infirmerie, désigné par le terme occitan « erbolari » [erboulari], les recherches de Chantal Fraïsse (conservatrice du patrimoine de Moissac) permettent d’identifier cette chapelle. Des procès-verbaux de délibérations du chapitre des chanoines, qui ont remplacé les moines en 1626, font en effet état de tenues du chapitre « dans la chapelle Notre-Dame de Lemboulari ». Cette chapelle, dont toute trace avait disparu, n’est cependant pas inconnue des habitants de Moissac. Par tradition orale, une Pietà polychrome du trésor de l’église abbatiale Saint-Pierre, datée du XVe siècle, a traversé les siècles sous le nom de Notre-Dame de Lemboulari. La relation avec la chapelle mise au jour peut être avancée. 

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Une chapelle dédiée à la Vierge

Pour Chantal Fraïsse, la découverte de la « chapelle Notre-Dame de Lemboulari » viendrait ranger Moissac parmi les établissements parfaitement « clunifiés », du moins en ce qui concerne l’aménagement de l’enclos monastique et sans doute donc de la liturgie. 

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Christian Sapin (directeur de recherches au CNRS ; Centre d’études médiévales d’Auxerre) confirme l’importance de la découverte. Ce spécialiste des abbayes clunisiennes explore et connaît de mieux en mieux ce qui semble être une caractéristique de la topographie des groupes monastiques typiquement clunisiens : la présence à l’est du chevet de l’église principale (nord-est ou sud-est) d’une église vouée à la Vierge, reliée à la salle du chapitre et située non loin de l’infirmerie. Le plan de l’état de l’abbaye de Cluny peu après le milieu du XIe siècle (dit Cluny II) semble bien être une sorte de « plan-type » d’une telle organisation de l’espace sacré. Comme pour Charlieu, Marcigny, Paray-le-Monial, Polirone, Lewes etc.., Moissac adopterait donc un tel plan. Cet oratoire dédié à Marie, de belle facture, devait, de fait, jouer un rôle très important dans la liturgie pour les processions et les rites funéraires. Ce qui explique la présence de sépultures dans son environnement proche. 

Aménagement : Ville de Moissac
Contrôle scientifique : Service régional de l’Archéologie de Midi-Pyrénées
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Patrice Georges, Inrap